Une chasse ouverte aux automobilistes ? La Place De Brouckère avant piétonnisation : une image d’un autre temps, déjà. Impossible d'aborder l'espace public sans se heurter à la mobilité. Les voitures déroulent du bitume au sol, génèrent un nuage de pollution et tuent des piétons avec leurs gabarits et vitesses inadaptés à la ville. L'équation appelle à se mettre en marche contre toutes les voitures, mais c'est le « tout à la voiture » qui va être renversé. B ruxelles a construit ses autoroutes urbaines pour l'Expo 58 afin de se montrer à la pointe du progrès, caractérisé alors par la démocratisation de la voiture. Son piétonnier du centre, le plus grand d'Europe, figure aujourd'hui sa marche arrière à l'œuvre. Dans un sens comme dans l'autre, il semble risqué de virer à toute allure sans lever la tête pour regarder la direction qui se profile. Les générations dorées de la naissance du consumérisme voyaient dans la voiture l'affranchissement des distances et le confort d'une mobilité familiale comme individuelle, sans se soucier des dégâts environnementaux. L'électromobilité multiplie les innovations légères sur les courtes distances. Elle assiste l'énergie musculaire et promet de s'affranchir des hydrocarbures et de leur pollution d'usage, mais pas encore des routes qui additionnent des engins individuels de tous types, ni des voitures lourdes sur les longues distances. L'aveuglement serait de ne pas rechercher des procédés de recyclage efficaces pour pallier les dévastations de l'extraction des métaux nécessaires à la diffusion de la technologie. De plus, comme tout roulera à l'électrique, c'est le mix des énergies primaires qu’il importe de considérer et de rendre plus propre. Deux défis d'envergure. 26 ❙ Bruxelles Métropole - février 2020 Piétonniers : Un pas de trop ? Les Français ont endossé leurs gilets jaunes contre les taxes sur le carburant. Pas d'alternative pour beaucoup que de payer, les voitures électriques étant encore chères. En province, les salaires décroissent, les distances s'allongent et les transports en commun se font plus rares. « En France, on a tendance à tout miser sur les métropoles, alors qu'il y a énormément de petites et moyennes villes », commente Nicolas Gilsoul. « On les a amenées à parier sur les piétonniers pour offrir des cœurs de cité agréables, mais ils sont plus vides que des paysages de western et les grands espaces commerciaux de la périphérie ont encore gagné en attractivité. C'est que rejoindre une petite ville de Creuse sans voiture est très compliqué. La Belgique, c'est presque une ville continue. » La dépendance à la voiture n'étant pas si forte, en Belgique, le mouvement des gilets jaunes s'est dispersé dans des luttes socio-économiques plus larges. Cependant, la taxation kilométrique à Bruxelles a quand même été repoussée par la Wallonie et la Flandre. Paris et Bruxelles ont ceci de commun de vivre dans la pollution alors que leurs réseaux de transports en commun sont des plus développés et que nombre de leurs citadins n’ont pas le permis de conduire. Mais, comme elles restent liées au trafic automobile, en premier lieu pour les travailleurs venus de leurs périphéries, réduire trop drastiquement les voies de circulation risque d'augmenter la congestion et de faire stagner la pollution véhiculée. « Prioriser les voitures, vélos ou piétons ne marche pas, car le principe de la ville est de mélanger toutes les mobilités », avance Nicolas Gilsoul. « C'est d'autant plus vrai pour un piétonnier aussi grand que celui de Bruxelles, où traverser 50 ha à pied constitue une épreuve sportive pour certains. Les espaces partagés fonctionnent mieux. » © belgaimage
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