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Emploi & Formation Des pistes pour redorer le blason d’ingénieur Les entreprises peinent à recruter des profils dits de « haute technologie » : il manquerait actuellement 500 ingénieurs par an en Belgique. « Il faut décomplexer le métier et mettre en place des ponts entre enseignement et entreprise », estiment certains experts. U ne entreprise spécialisée en informatique sera amenée ces prochaines années à recruter des profils jusque-là quasi inexistants sur le marché de l’emploi à Bruxelles : spécialistes de l’intelligence artificielle, blockchain ou data science. Maigre consolation pour les responsables des ressources humaines de ce genre d’entreprise : d’autres secteurs dits « de haute technologie » recherchent aussi des perles rares. Ces profils sont plus généralement résumés aux métiers dits de « STIM », qui concernent les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques. En mars dernier, Agoria, la Fédération de l’industrie technologique, tirait la sonnette d’alarme en annonçant un « manque de 500 ingénieurs par an en Belgique ». Les perspectives ne sont pas enthousiasmantes au niveau de la formation : en 2008, on comptait 2500 inscriptions dans les filières ingénieur civil et industriel, contre moins de 1900 en 2018. Cette pénurie de profils, qui inquiète les chefs d’entreprises, n’est pas neuve. « Ce problème existe depuis environ 10 ans », avance Frédéric Robert, vice-doyen de l’École polytechnique de Bruxelles (ULB). « Il ne s’agit d’ailleurs pas d’un problème spécifiquement belge. Les baisses d’inscriptions se vérifient également dans les pays limitrophes, à l’instar de 34 ❙ Bruxelles Métropole - mai 2019 l’Allemagne et de la France. » Ce faible taux d’inscriptions, Frédéric Robert l’explique notamment par l’image véhiculée par les métiers d’ingénieurs : « Le grand public pense souvent qu’un ingénieur est quelqu’un qui porte une blouse blanche ou un casque, ou bien un costume et une cravate. Or, la formation d’ingénieur offre bien plus de débouchés. » Cette pénurie contraste étrangement avec le résultat d’études plaçant l’ingénieur sur un piédestal : 6 personnes sur 10 recommanderaient ce métier à leurs enfants ou des amis. L’autre attrait du profil d’ingénieur, c’est le salaire. Il n’est pas rare qu’un ingénieur civil gagne plus de 4000 euros par mois, ni surtout qu’il trouve un emploi avant même d’avoir son diplôme en poche ! Une « taxe apprentissage » ? Mais pourquoi si peu d’étudiants optent-ils pour des études orientées sciences et mathématiques ? Selon certains, une des causes serait à chercher au niveau secondaire, où les mathématiques et la physique sont considérées comme difficiles et peu séduisantes. « Nous constatons d’année en année que les compétences des étudiants qui rentrent en bachelier se dégradent », avance Xavier Van den Dooren, directeur de l’Ecam, qui compte 1000 étudiants dans les cinq années, dont 400 en première bachelier. « Un de nos axes d’apprentissage en première bachelier est la remise à niveau des étudiants. Certaines compétences en secondaire ne sont pas assez développées : la force de travail et la capacité à synthétiser et à prendre note notamment. L’approche par projets permet aussi de motiver l’étudiant. Toutefois, le taux de réussite a baissé, avec aujourd’hui 20 à 25 % de réussite selon les types de filières. » Parmi les pistes d’amélioration, Xavier Van den Dooren estime « qu’il faudrait accentuer la visibilité des études d’ingénieur au niveau des écoles secondaires et, pourquoi pas, entamer plus de collaborations, notamment en sollicitant et en conscientisant les professeurs de mathématiques, sciences ou physiques. » Les pouvoirs politiques pourraient également redorer le blason de la profession. « Il y a des initiatives politiques mais il n’y a pas d’action massive », reprend Frédéric Robert. « Il faudrait établir un plan de coordination et un élément législatif qui amènent des apprenants dans les entreprises. » Xavier Van den Dooren, quant à lui, estime qu’il faudrait s’inspirer du modèle français de la taxe d’apprentissage. Versée par les entreprises, cette taxe finance directement les formations des apprentis. « Grâce à la taxe d’apprentissage, l’entreprise est amenée à collaborer activement à la formation des étudiants qui arrive© Getty

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