Des maisons bâties dans le vivant, faites d’une peau qui respire. La coopérative wallonne Paille-Tech a donné vie en 10 ans à un rêve auquel aucun investisseur classique n’a voulu croire. Pourtant, les plus porteurs d’avenir sont justement ceux qui dérangent les schémas habituels de pensée. « Faire des maisons passives en polyuréthane semblait un non-sens et de là est née l’idée d’une maison positive », raconte Julien Lefrancq, administrateur chez Paille-Tech. « On isole très bien aujourd’hui. Il suffit de prendre la bonne épaisseur d’isolant. Le gros de la consommation énergétique n’est plus l’utilisation mais la construction. La paille permet de travailler en circuit court, stocke du carbone au lieu d’en émettre et elle est compostable. » Une hérésie de quelques réactionnaires ? Pour Luc Schuiten, c’est une utopie nécessaire. Plutôt que de s’imaginer glisser vers le durable sur les normes actuelles, il faudrait selon lui les revoir en profondeur jusqu’en leurs fondations : « Notre vision est fragmentaire. Il faut commencer à voir la beauté d’une construction dans la manière dont elle s’inscrit dans l’environnement et pas simplement de façon superficielle. Si notre construction coûte cher à la planète au moment où on fabrique les matériaux et qu’après usage elle devient un déchet, l’acte de construire devient excessivement laid, abominable. En travaillant avec le vivant, on s’inscrit dans un processus mis en œuvre par la nature depuis des milliards d’années et on peut procéder en quelque chose qui entraîne une réflexion réelle sur le durable. Ça change tout ! » Des matériaux dénaturés au péril du vivant À travers ce prisme, chauffer la roche calcaire à des hautes températures, en dégageant le CO2 qu’elle a mis des années à stocker, et puiser des quantités gargantuesques de sable aux abords des plages, pour produire à outrance du béton, recèle davantage de folie que de bâtir avec divers matériaux biosourcés comme Paille-Tech s’évertue à le concevoir. Mais cela heurte le besoin d’investir dans du dur pour consolider un sentiment de sécurité. « Les gens qui entrent dans nos maisons s’étonnent en demandant si ça tient et on leur répond : ‘Êtes-vous déjà entrés dans une maison en parpaings de plus d’un siècle ?’ », s’amuse Julien Lefrancq. « Ça n’existe pas, mais on a peur de constructions pour lesquelles on a plus de recul qu’avec nos matériaux actuels. La laine minérale finira après 20 ans au fond de la structure. L’étude thermique de la maison Feuillette, construite en paille en 1920 près de Paris, montre qu’en changeant seulement les châssis et en faisant une étanchéité à l’air, on est proche d’une maison passive et l’isolant a un siècle ! ». 31
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