46

FOCUS DIVERSITÉ DANS L’ENTREPRISE Discrimination à l’embauche : la dissuasion primera sur la coercition La Région bruxelloise délie les mains de ses 27 inspecteurs de l’emploi pour l’envoi de faux curriculum vitae et les appels mystères en cas de discrimination à l’embauche avérée. Ce resserrement du contrôle sur les entreprises appelle à des éclaircissements quant aux moyens mobilisés et aux objectifs visés. Ophélie Delarouzée L e projet d’ordonnance déposé début juillet a reçu l’aval du Conseil d’État pour déroger aux règles sur l’usage de fausses identités, ce qui prémunit l’administration de représailles judiciaires. Un cadre définit la méthodologie à suivre pour employer ces nouveaux outils. Les doubles CV envoyés auront des profils comparables et ne se distingueront que par une caractéristique protégée, comme la consonance ethnique des noms des candidats, le sexe, l’âge ou la situation de handicap. Lors des appels mystère à une agence de recrutement, par exemple en intérim, l’inspecteur pourra se faire passer pour un employeur et formuler une injonction discriminatoire afin d’apprécier la suite qui lui est donnée. Le fishing, le harcèlement et la provocation sont interdits. La procédure n’est déclenchée qu’en cas de plaintes avérées ou de constats de répétition. « Le droit à l’égalité des chances est un principe constitutionnel », rappelle le ministre bruxellois de l’Emploi Didier Gosuin (Défi). « Lorsqu’un entrepreneur reçoit 2 CV à compétences identiques, il se doit de convoquer ces deux candidats et de leur donner la même chance de faire valoir leurs compétences. C’est aussi peu que cela, mais c’est déjà essentiel. » Pour Patrick Charlier, directeur d’Unia, le centre interfédéral pour l’égalité des chances, « cette ordonnance permet de prendre au sérieux la législation anti-discrimination. Il est important d’avoir des mesures qui permettent de la faire respecter et de ne pas rester uniquement dans le déclaratoire. Comme pour la limitation de vitesse sur autoroute, des contrôles sont nécessaires. Car même si les conducteurs peuvent s’auto-limiter, notamment avec le cruise control, tout le monde ne le fait pas ». Des incitants financiers et des réactions graduelles Le ministre souligne que la grande majorité des entreprises jouent le jeu de la non-discrimination. En parallèle aux tests de situation, il a déployé des mesures d’encouragement pour celles qui s’engagent ou disposent d’un plan Diversité. Ainsi, la subvention accordée dans le cadre de l’ordonnance expansion économique peut être augmentée de 10 %. L’enveloppe s’élève ici à 25 millions par an. Dans les titres-services, les entreprises pourront bénéficier d’une indexation dans l’intervention des pouvoirs publics, qui est de 13,36 euros pour chacun des 15 millions de titres-services en région bruxelloise. À l’opposé, les employeurs peuvent être poursuivis en justice. Si parler de sanctions en matière de discrimination amène immédiatement à penser au pénal, Patrick Charlier assure que les actions au civil sont et resteront privilégiées : « La loi sur le racisme adoptée en 1981 est la première loi contre la discrimination et, à l’époque, elle était exclusivement pénale. Jusqu’en 2003, c’était la seule possibilité et c’est une des raisons pour laquelle il y a en Belgique ce tropisme. Cela fait partie de la mémoire collective ». Aucune procédure n’a pour l’heure abouti au pénal en matière de discrimination à l’embauche, et ces poursuites demeureront réservées à des cas de résistance extrême. La voie du dialogue sera la première et la plus largement investiguée. « On ne va pas directement aller au pénal et s’attacher à sonder les reins et les cœurs de l’entreprise pour savoir s’il y a eu une véritable intention de discriminer », continue le directeur d’Unia. « Dans la législation, la discrimination n’est pas nécessairement volontaire, ni même consciente, bien qu’elle soit interdite. L’inspection sociale a aussi une mission d’accompagnement permettant de mettre en lumière un processus discriminatoire ». Didier Gosuin, ministre bruxellois de l’Emploi. 44 BECI - Bruxelles métropole - octobre 2017 Vers une meilleure gestion des cas limites Sous cette pression, des entreprises pourraient regarder de plus près leurs procédures de recrutement. Unia et le service Diversité d’Actiris peuvent ici accompagner les entreprises dans l’identification et la résolution des discriminations les moins manifestes. Que penser par exemple de la déconsidération, à compétences égales sur papier, des candidats sortis de © Reporters

47 Online Touch Home


You need flash player to view this online publication