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TOPIC GREEN « Des infrastructures ‘vertes’ plutôt que des taxes » Le professeur d’économie financière Roland Gillet (Sorbonne et ULB) doute, comme son collègue Paul De Grauwe, que le progrès technologique ou le génie d’entrepreneurs éthiques permettent à eux seuls de moins polluer la planète tout en préservant la croissance. Les pouvoirs publics ont un rôle à jouer pour influer sur les comportements, mais plutôt par l’investissement que par la taxe. A vec son bon sens tout ardennais, Roland Gillet, s’il ne se dit pas climato-sceptique, invite du moins à un « scepticisme éclairé », tant en ce qui concerne l’impact réel de la pollution (donc de l’activité humaine) sur le réchauffement climatique, que sur les visions euphoriques des technologies ‘propres’ qui vont sauver la planète. « Méfions-nous du dogmatisme dans les deux camps. » Comme Paul De Grauwe, il met en doute la théorie de decoupling (lire ci-avant), qui voudrait que, grâce à l’essor des énergies renouvelables et aux gains d’efficacité énergétique notamment, la planète pourrait mieux respirer sans mettre à mal son développement économique. Ce sera peut-être possible un jour lointain, mais c’est encore loin d’être le cas aujourd’hui, observe Roland Gillet. Il évoque la réalité énergétique belge : « On a planté des centaines d’éoliennes et soutenu le photovoltaïque, à coup de subsides. Mais on se rend compte que, selon les aléas saisonniers, on est obligés de réactiver des centrales polluantes, au détriment d’un nucléaire qui finalement a peut-être plus d’avantages que d’inconvénients en la matière. Au jour d’aujourd’hui, on doit bien se résoudre à l’idée qu’il est impossible de produire toute l’année une énergie plus propre qui répondrait aux besoins des entreprises et des ménages. » Sans préjuger de développements technologiques futurs, l’économiste se dit simplement réaliste quand il qualifie les énergies vertes « d’énergies encore d’appoint ». Là où Roland Gillet n’est plus tout à fait sur la même longueur d’onde que son collègue Paul De Grauwe, c’est au niveau des solutions à préconiser pour changer nos modes de consommation. De nouvelles taxes n’ont pas vraiment ses faveurs, même s’il n’exclut pas des mesures ciblées pour inciter à des comportements plus écoresponsables. « On peut sans doute faire davantage pour réduire les montagnes de déchets plastiques. Peut-être peut-on taxer encore davantage ceux qui ne prennent pas la peine de faire du tri sélectif ? », interroge-t-il. Toutefois, outre quelques corrections spécifiques à la marge, il craint Olivier Fabes que la taxation « verte » soit contre-productive. «La taxe dite environnementale est devenue un leitmotiv. Il y en a déjà beaucoup, on ne peut pas ajouter des couches à l’infini. » Roland Gillet Le professeur à la Sorbonne juge qu’on a déjà atteint un plafond en termes de taxes automobiles, ou de taxes sur le transport routier. La priorité des pouvoirs publics, plutôt que de taxer - ou plus exactement avant de taxer – doit, selon lui, être l’investissement dans des infrastructures qui permettent des gains environnementaux. On en revient au transport et à la mobilité : « Le rail est globalement le moyen de transport le moins polluant, avec le transport fluvial. Inciter les entreprises de fret à emprunter le rail plutôt que la route est plus efficace que de venir avec une énième taxe. Le tunnel ferroviaire du Mont-Blanc, en allégeant les voies routières, a fait plus de bien à l’environnement que des recettes fiscales. » Au niveau belge, le chantier sans fin du RER apparaît comme l’exemple-type du non-sens. « Les gens ne sont pas prêts à sacrifier un minimum de confort pour se rendre au travail. Le gouvernement pourra peut-être envisager sérieusement de taxer davantage les voitures sur certains créneaux horaires, lorsqu’il y aura un RER qui fonctionne enfin, et ce avec des trains en suffisance et à l’heure. » ● Roland Gillet : CV express • 54 ans, né à Vielsalm • Professeur agrégé des universités à l’Ecole de Management de la Sorbonne (Paris 1) • Professeur ordinaire à la Solvay Brussels School of Economics and Management (ULB) • Expert reconnu au niveau international • Matières principales : évaluation des actifs, efficience des marchés et régulation financière BECI - Bruxelles métropole - juin 2017 21 D.R.

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