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THINK TANK POUR OU CONTRE la personnalité juridique des robots ? Un premier pas a été franchi dans l’instauration d’un cadre légal en matière de robotique. Le Parlement européen a adopté mi-février le rapport porté par l’eurodéputée Mady Delvaux, à l’exception de la « taxe robot » destinée à compenser les futures pertes d’emplois par un revenu universel. Ce texte octroie de prime abord une personnalité électronique aux robots. Ophélie Delarouzée Mady Delvaux, eurodéputée démocrate socialiste luxembourgeoise La protection des données et le respect de la vie privée sont à réguler rapidement, tout comme la responsabilité en cas d’accident. Pour les voitures autonomes qui arrivent sur le marché, le dédommagement pourrait revenir aux constructeurs. C’est ce que Volvo propose pour le lancement de son camion sans chauffeur. Mais, mieux vaut ne pas se baser sur un engagement volontaire. Avec la prochaine génération de robots, qui apprendront de leur environnement, la responsabilité sera plus difficile à établir. En cas de conflit entre constructeurs, programmateurs et utilisateurs, il serait plus simple de porter la faute sur le robot et de le faire derrière des arrangements financiers. C’est dans cette optique fonctionnelle, comme pour les sociétés, qu’on pense à attribuer une personnalité juridique aux robots. Des courants de pensée y sont favorables. Maître Bensoussan va dans son livre jusqu’à leur prêter des droits. Autant en parler au parlement européen, qui est un lieu de débat éclairé, que de se fermer d’emblée. La charte adresse cependant des recommandations aux concepteurs et utilisateurs pour se prémunir d’une humanisation des robots. Le rapport traite aussi de la transparence, mais pas assez profondément, car j’ai mesuré l’importance du contrôle des données en cours de recherche. Ce vaste sujet doit impérativement être abordé. Je m’inquiète, par ailleurs, de la paix sociale. Dans les révolutions industrielles, les pertes d’emplois ont toujours soulevé des révoltes. Mieux vaut se préparer et penser le financement de la sécurité sociale et des services publics. La robotique créera de la richesse et la question de sa redistribution se pose. Bénéficiera-t-elle à quelques multinationales ou à la société dans son ensemble ? C’est au fond l’enjeu du débat sur la taxation. Un des objectifs du rapport est de susciter un intérêt politique pour ne pas laisser la main aux scientifiques et industriels. C’est un changement sociétal majeur et les politiques doivent en prendre la mesure. Hugues Bersini, professeur à l’ULB et co-directeur de l’Institut de Recherches Interdisciplinaires et de Développements en Intelligence Artificielle (IRIDIA) La responsabilité doit pour moi rester chose humaine. Quand elle se complexifie au point d’en être diluée, à ceux qui tirent profit des systèmes autonomes de cotiser dans des caisses d’assurance pour les victimes. Il y a aussi contradiction avec la charte, qui appelle à résister à cette tendance d’interpréter le comportement des objets comme s’ils étaient motivés par des intentions. Attribuer une personnalité juridique aux robots, c’est aller en ce sens et ce réflexe va s’amplifier avec l’intelligence artificielle qui reproduit des modèles humains mais aussi animaux. Je me refuse à jamais à imputer des émotions et intentions aux robots. Il y a une notion de survie, quelque chose d’extrêmement biologique et plus que ça, qui meut les êtres vivants. Il y a aussi différents niveaux. Disons que les robots se comporteront plus intelligemment qu’un chien mais n’auront pas même la sensibilité d’une fleur. Il faut plutôt reprendre la main sur les intentions des humains qui régissent la construction des robots. Les traders logiciels sont en cause dans la crise de 2008 et les algorithmes se démultiplient. Ils décident aujourd’hui de l’attribution des écoles, développent la domotique... Il faudra bientôt choisir les voitures autorisées à rouler plus vite. Les algorithmes vont nous forcer à expliciter la société de demain. Les GAFA* imposent cette transition avec un souci de profit pour l’essentiel. Leur concentration de cerveaux et moyens les rend très puissants. Pour reprendre le pouvoir, la politique doit précéder la technologie, voire l’accélérer et la freiner. Cela nécessite des technocrates ou des politiques qui se mettent au fait des avancées. C’est étonnant de les entendre, surtout sur l’emploi et le revenu minimum. Je ne crois pas aux prophéties apocalyptiques selon lesquelles on ne réinventera pas cette fois le travail en connivence avec les machines. Ces technologies peuvent par contre réorienter nos comportements face aux menaces environnementales et socio-économiques. * Les leaders du monde digital que sont Google, Amazon, Facebook et Apple. 8 © Thinkstock

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