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THINK TANK POUR OU CONTRE L’anglais dans l’administration bruxelloise ? L’idée, lancée voici quelques années déjà, vient de ressurgir à la faveur du Brexit : faut-il introduire l’anglais comme langue de travail dans les administrations bruxelloises, à l’instar du Luxembourg et d’Amsterdam ? Lancée à la conquête des entreprises britanniques, la France a pris les devants en acceptant d’enregistrer les sociétés en anglais. Ophélie Delarouzée Eric Corijn, professeur en études urbaines à la VUB, vice-président du Brussels Studies Institute Bruxelles est devenue à 90 % une ville de services. Une large part de cette nouvelle économie relève du fonctionnement international, avec environ 40.000 emplois dans les institutions européennes ; 120.000 en comptant ceux en lien avec l’OTAN, dans les lobbies ou autres dérivés de la mondialisation, et plus de 200.000 personnes qui en dépendent si on élargit aux familles. L’anglais est donc déjà la seconde lingua franca, à côté du français. Presque 90 % des Bruxellois disent aujourd’hui avoir une bonne connaissance du français, 30 % de l’anglais et 23 % du néerlandais. L’anglais est aussi devenu la principale langue d’échanges au niveau européen et, avec l’extension de l’Union Européenne vers l’est, ce statut va être maintenu, même sans la Grande-Bretagne au sein de l’UE. Si on réagit bien au Brexit, Bruxelles pourrait en bénéficier fortement d’un point de vue économique. Quand on regarde les fonctions internationales, dans les ONG par exemple, on voit que Londres et Bruxelles sont vraiment les « villes-monde ». Avec Londres qui se détache de l’Europe institutionnellement, Bruxelles pourrait attirer des activités reliées à l’UE, qui sont pour l’instant localisées à Londres. Paris mène déjà une politique proactive. Certains, comme les nationalistes flamands, s’opposent au multilinguisme des institutions à Bruxelles. Chaque culture développe des rapports de forces dans ses approches linguistiques. Mais, rendre des services en anglais, ne veut pas dire fonctionner en anglais. L’anglais est indiscutablement devenu une langue technique pour les interactions au niveau mondial. Résister à cela, c’est manquer une bonne part de connectivité au reste du monde. De plus, la majorité de la population bruxelloise est déjà dans le multilinguisme. Selon le baromètre linguistique, 61 % des ménages sont multilingues et 14 % combinent français et néerlandais. Seuls 5,5 % des ménages ne parlent que le néerlandais chez eux, et 33 % uniquement français, contre 56 % en 2005. Le multilinguisme devient donc la règle. Rudy Janssens, secrétaire général de la centrale CGSP de Bruxelles L’application des langues a un impact sur l’organisation des services administratifs et la carrière des fonctionnaires. Introduire l’anglais toucherait à la loi linguistique. Dans les services publics bruxellois, la règle applicable est le bilinguisme des agents ; c’est une obligation. Si on ajoute l’anglais en imposant un trilinguisme, on ne va pas accepter et on va réagir ! Si on ouvre le bilinguisme à la possibilité de parler anglais à la place du français ou du néerlandais, il y aura à mon avis des tollés côté flamand pour des questions de pouvoir et de parité. On a déjà des plaintes pour des contractuels qui ne parlent pas néerlandais, dans les CPAS notamment, et il y a des analyses à ce sujet en Flandre. Maintenant, dans certaines administrations, il peut y avoir un cadre linguistique avec des quotas de néerlandophones, de francophones et de bilingues qui ont une prime de bilinguisme. Je pense qu’il faut maintenir les conditions du bilinguisme, le cadre linguistique quand nécessaire, et qu’il faut rémunérer d’autres connaissances comme celle de l’anglais, si on les demande. Avec un salaire de base d’environ 1.250 euros dans les communes, tout le monde cherche aujourd’hui le petit « plus » financier. Mais, si on trouve une formule, il faut vraiment que le cadre soit justifié et il faut savoir où le mettre. Je sais que c’est une demande pour la police et les centres hospitaliers. Du côté de Schuman, d’Etterbeek, de Bruxelles, voire d’Ixelles, il y a une certaine logique à introduire l’anglais, quoique l’Union Européenne ne parlera peut-être plus anglais avec le Brexit – à cet égard, la Grande-Bretagne avait une sorte de position dominante, avec d’autres pays ; ce ne sera plus le cas. Par contre, il y a peu d’anglophones à Molenbeek. À Saint-Gilles, on parle plus facilement espagnol et portugais. Si on ouvre les services publics à l’anglais, je pense qu’il faudrait élargir à d’autres langues maternelles plus couramment parlées, comme l’arabe ou l’espagnol. BECI - Bruxelles métropole - novembre 2016 5 © Thinkstock

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