ENTREPRENDRE Qu’attend l’entrepreneur de son avocat ? Par nature, la relation entre le chef d’entreprise et l’avocat est compliquée : le premier est un fonceur ; le second est prudent et rationnel. Et quand l’entrepreneur fait appel à l’avocat, c’est forcément dans un contexte problématique. Une enquête menée par BECI vient d’y apporter un éclairage. L a relation entre le dirigeant de PME et son avocat est une histoire a priori pleine de rebondissements et chargée le plus souvent d’émotions. En termes de perception, l’avocat est presque toujours associé à l’image du conflit, qu’il soit social, commercial, ou autre. Quant aux émotions, elles relèvent du registre de la colère, de la frustration, de la peur ou de la rancune. Quand le chef d’entreprise s’adresse à un avocat, c’est pour se débarrasser d’un problème : il dépose son conflit chez son avocat, un peu comme on déposerait son sac, le chargeant de tout jusqu’au moment où l’affaire lui reviendra. L’avocat est utilisé comme un agent de défense face à une agression, ou à l’opposé, un agent d’agression pour rendre à la partie adverse la monnaie de sa pièce. L'avocat est trop rarement utilisé comme médiateur, comme agent de résolution de conflit. Force est aussi de constater que l’avocat ne cherche pas toujours à éviter le conflit en calmant le jeu… Le profil de l'avocat D'après une étude américaine1 , les avocats présenteraient un profil de très bons élèves, aimant apprendre et appréciant les activités scolaires, critiques à l’égard d’eux-mêmes et capricieux. Mais surtout, ils seraient totalement dépourvus de sensibilité relationnelle ; ils Quand le chef d’entreprise s’adresse à un avocat, c’est pour se débarrasser d’un problème : il dépose son conflit, un peu comme on déposerait son sac. seraient focalisés sur les tâches et diront ce qu’ils pensent de manière froide, critique et argumentée. Les avocats auraient aussi, le plus souvent, des difficultés à comprendre le ressenti de leur interlocuteur et à agir avec tact. Du mal aussi à maîtriser le stress, et ils privilégieraient le plus souvent les stratégies d’évitement. Enfin, l’avocat américain hésiterait à prendre des risques et des décisions et n’aimerait pas l’autorité… Qu'en est-il en Belgique ? Selon une enquête menée par BECI en 2016, les patrons bruxellois sont clairs : à 94 %, ils préfèrent un avocat qui est prêt à s’opposer à eux dans 1 Étude Hildebrandt sur 2000 avocats américains 2012 leur intérêt… Du moins, c’est ce qu’ils disent. De là à savoir si c’est vrai… Le gros souci dans les PME, comme chez les avocats eux-mêmes, se trouve du côté des honoraires ; dans 63 % des cas, ces derniers sont jugés surévalués ! Les patrons jugent les avocats comme étant compétents, plutôt à l’écoute, persévérants, plutôt francs et rationnels. Mais ils les critiquent sur leur manque de disponibilité, leur prudence excessive ainsi que sur leur manque d’empathie et leur absence d’émotions. En deux mots, les patrons voient en leurs avocats tout l’inverse d’eux-mêmes. C’est peut-être pour cela que la relation est compliquée, mais aussi qu’elle a tout son sens ! Quel rapport à la justice ? Mais il est clair aussi que le peu de succès des procédures alternatives de résolution de conflit est dû tant aux patrons de PME qu’aux avocats. Les premiers se débarrassent de leurs problèmes pour avancer, tandis que les seconds, en raison de leur profil de personnalité, sont plus enclins à procéder qu’à transiger. Le plus rassurant, c'est d'apprendre que 63 % des patrons bruxellois sont, le plus souvent, d’accord avec les décisions de justice. Par contre, la personnalité du juge est un élément qui attire l’attention, plus particulièrement l’expérience professionnelle en dehors du métier de juge qui semble jouer un élément prépondérant (79 %). La justice serait-elle réellement aveugle ? Qu'en conclure ? Construire la relation entre les PME et les avocats ne se fera pas en un jour. Il est temps qu’un vrai dialogue s’installe. Nous devons apprendre à gérer l’émotionnel ensemble. Il faut que l’avocat s’intéresse davantage à son client et le comprenne - et pas seulement le dossier qu’il traite. ● 54 BECI - Bruxelles métropole - juin 2016
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