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Et si on testait la voie d’eau ? Le canal est sous-utilisé. Nos voisins nous montrent la voie à suivre. Des idées qui pourraient inspirer les Bruxellois. Jean Blavier C ombien de fois n’entend-on pas dire : « Dommage que Bruxelles n’ait pas de fleuve... » Il faut se faire une raison, ce sera difficilement corrigible. Ce qui ne veut pas dire que Bruxelles n’a pas de voie d’eau. Il n’est pas question ici de la Senne, absente du paysage mais très présente dans l’inconscient collectif bruxellois. Ce dont il s’agit ici, c’est du canal, imaginé par Charles-Quint, creusé un siècle plus tard, tant décrié par Jacques Brel1 mais revenant aujourd’hui à l’avant-plan grâce au « Plan canal » du gouvernement de Bruxelles-Capitale, véritable fracture entre l’est et l’ouest de la ville mais aussi outil économique de premier plan plus que probablement sous-utilisé. Sous-utilisé ? C’était le thème de la journée d’étude organisée par le Port de Bruxelles2 . D'Utrecht à Lille Chacun peut s’inspirer des modèles auxquels ont recouru nos voisins. Bien que ce ne soit pas Amsterdam, les canaux ne manquent pas à Utrecht. Des canaux dont les berges comptent souvent deux étages, l’un au niveau de l’eau, l’autre au niveau du plancher des vaches. D’où vient cette extravagance ? Tout simplement du fait que ces ouvertures au niveau de l’eau tenaient lieu d’entrée de service pour les immeubles installés le long des canaux. Une fonction que les autorités de la Ville d’Utrecht remettent au goût du jour. Un « Ecoboot » circule le long des berges et y collecte les déchets. Des déchets que les éboueurs y déversent, comme ils le font chez nous dans les bennes de camion. Cet « Ecoboot » qui, soit dit en passant, comprime les déchets au fur et à mesure de leur collecte, offre trois avantages : moins bruyant, moins polluant, il permet d’économiser les tonnes de CO2 que les camions n’émettent pas et réduit d’autant les encombrements urbains. Lors du débat qui a suivi l’exposé du capitaine du Port d’Utrecht, la question a été posée : peut-on faire de même à Bruxelles ? Réponse : oui, mais partiellement. Par exemple en faisant converger les camions de Bruxelles-Propreté vers le canal, ce qui 1 In « C’était au temps où Bruxelles brusselait » 2 Le 28 octobre dernier au BIP. Info sur www.portdebruxelles.be 40 BECI - Bruxelles métropole - février 2016 leur épargnerait de devoir traverser la ville pour rejoindre l’incinérateur de Neder-Over-Heembeek. Le cas de Lille est plus étonnant. La rivière qui l’arrose, la Deûle, est au centre d’un réseau de canaux dont certains datent du Moyen Âge. La situation pourtant y est plus proche de celle de Bruxelles, dans la mesure où les trois incinérateurs lillois sont, pardon, étaient alimentés par une flotte de camions collectant les déchets de 1,2 million d’habitants. Sur des distances atteignant parfois plusieurs dizaines de kilomètres. La solution ? Les déchets collectés sont mis en conteneurs, chargés à bord de barges qui les conduisent à l’incinérateur (production d’électricité et de mâchefer), non sans avoir opéré un tri qui permet de traiter une partie de ces déchets dans un centre de valorisation organique (production de biogaz et de compost). Pourquoi pas à Bruxelles ? Les Bruxellois présents lors de cette journée d’étude étaient manifestement impressionnés. Pourquoi ne pas imaginer que les camions de Bruxelles-Propreté qui collectent les déchets ménagers sur les flancs est et sud de la capitale se contentent de gagner un centre de tri le long du canal à Anderlecht ? Les déchets, préalablement triés, comprimés et placés en conteneurs, pourraient ensuite être transportés par barge jusqu’à l’incinérateur de Neder-Over-Heembeek, situé... le long du canal ! On peut aussi imaginer un autre centre de tri situé entre les extrémités sud et nord du canal. On peut imaginer des tas de choses, encore faut-il en réaliser au moins une partie. Illusoire ? Non. Le développeur immobilier Equilis a montré la voie. Pour la construction du centre commercial Docks Bruxsel (au pied du pont Van Praet), il a fait évacuer des tonnes de déchets de construction et amener des tonnes de matériaux par voie d’eau, ce qui a économisé des milliers de trajets en camion. Yes, we can. ●

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