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THINK TANK Massacre à la pelleteuse MOBILITÉ Dans la capitale, les chantiers déciment les commerces. À l’heure où la concurrence des centres commerciaux et du commerce en ligne est rude, un chantier est parfois l’estocade finale. Mais tout le monde pâtit de la piètre gestion de nos travaux ; à commencer par la Région qui y détruit allègrement l’image attractive qu’elle cherche tant à se donner. Didier Dekeyser R ogier, Globe, Reyers, Léon Théodor, Simonis, Wayez, Jourdan, Miroir… : la liste actuelle des grands et des petits trous est déjà impressionnante, mais n’est que la suite des calamités qui ont déjà envoyé ad patres nombre de commerçants. Lesquelles en précèdent sans doute beaucoup d’autres... Un commerçant ou un créateur de TPE qui prend le risque de s’installer à Bruxelles réalise, à son échelle, de très gros investissements, sans droit à l’erreur. Comme si les aléas du commerce n’étaient pas suffisants, la Région et/ou la commune ne sont pas tendres avec lui, malgré des discours aguicheurs et toutes les institutions qui prétendent l’aider. La chaussée d’Ixelles est un bel exemple de chaos organisé, où les porteurs de projets ne sont pas les payeurs. Fort heureusement, la Stib, avec son projet de tram 71 – avorté mais relayé pendant des années – avait sans doute découragé tous les investisseurs qui auraient pu être tentés par une implantation dans l’une des artères les plus porteuses. Abstention louable : ils auraient trinqué de concert avec les enseignes implantées. Car les joies d’un shopping style « parcours-commando sur terre battue » (ou boue gluante selon la saison), au milieu des pelleteuses et avec franchissements de passerelles branlantes, ne semblent pas plaire aux intrépides clients qui s’y fourvoient. Plusieurs enseignes ont déjà mis la clé sous le paillasson tandis que les autres survivent, en espérant que les retards habituels qui caractérisent aussi ces mises à sac ne soient pas trop nombreux. Les commerçants que nous avons interrogés fustigent d’abord la lenteur extraordinaire de chantiers où l’on ne travaille en général que de 7 à 15 h. Selon le Ministre Smet, cela traduit un souci de préserver un minimum de mobilité et de ne pas nuire aux riverains. Dans les faits, on peut suspecter que c’est pour des raisons budgétaires que Région et/ou autre commanditaire préfèrent les plages de travail qui ne donnent pas lieu à des surcoûts. Ensuite, ils déplorent que les intervenants sur chantiers ne coordonnent pas leurs actions. Si elles le sont initialement – ce que prétend la Région (qui s’auto-félicite même d’être particulièrement performante sur ce point !) –, les habituels gros intervenants n’en ont cure et modifient les plannings à leur guise. 16 BECI - Bruxelles métropole - juin 2018 Enfin, les indemnités accordées aux entrepreneurs et commerçants impactés sont… ridicules et assorties de conditions rébarbatives (voir encadré). Nous avons interrogé Étienne Rigo, CEO d'Octa+, le fournisseur d’énergie qui est aussi à l’initiative de la carte de mobilité Modalizy. Beci : Votre entreprise est très active à Bruxelles ; les chantiers l’impactent-t-elle ? Étienne Rigo : Bien sûr. Il devient, par exemple, particulièrement difficile d’effectuer une livraison dans le Pentagone et les chantiers aggravent une situation déjà problématique en soi. En fait, la gestion globale de la mobilité à Bruxelles est assez interpellante. Du point de vue de l’entrepreneur que je suis, mais aussi de beaucoup d’autres usagers sans doute, le choix de favoriser excessivement les transports en commun et la mobilité douce me paraît plus idéologique qu’en phase avec la demande et les besoins réels. Mais il s’agit d’une stratégie politique et, si elle est discutable, nous avons choisi nos représentants. Par contre, la gestion des chantiers, qui participe à la mobilité générale, relève, elle, d’un manque de bon sens contre lequel on peut légitimement s’insurger. La coordination chaotique des intervenants est souvent évoquée, mais je pointerais surtout le manque de célérité : il n’y a pas d’exemple de chantiers à Bruxelles © DKD Media

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