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pas, vous vous les représentez facilement : cela correspond à trente mètres. Si je vous demande de faire trente pas dans la logique du concept de réseau – de manière exponentielle –, vous aurez fait un aller-retour sur la lune, plus quelques tours du globe. Notre cerveau est ‘branché’ de manière linéaire, ce qui n’est pas le cas de la génération technologique suivante. Nous parlons d’intelligence artificielle depuis cinquante ans (‘les machines seront-elles plus intelligentes que l’homme ?’) ; aujourd’hui, c’est une réalité. » NI COMPTABLE, NI AVOCAT Qu’est-ce que cela signifi e concrètement pour les marketeers ? PH : « Prenez Google. L’entreprise a fait fortune grâce aux mots clés, mais dans les années à venir, l’idée générale de la publication d’annonces s’articulera entièrement autour des algorithmes. Aucun être humain ne devra plus se poser la question de savoir où il serait utile de placer telle ou telle publicité. Nous allons connaître une vague d’innovation qui mettra en péril de nombreux emplois que nous considérons encore comme sûrs. Alors que nous craignions pour l’avenir des cols bleus, les ouvriers qui ont vu disparaître leur emploi à la suite de la robotisation, les cols blancs sont désormais encore plus menacés. On n’est plus en sécurité derrière un bureau. » La nouvelle technologie, ne créera-t-elle pas de nouvelles tâches ? PH : « Il est clair que nous Peter Hinssen compte parmi les plus grands experts européens en matière d’innovation disruptive. Il a fondé cinq entreprises prospères en quinze ans, nexxworks étant la plus récente. Hinssen enseigne dans plusieurs écoles de commerce internationales, notamment la London Business School. Il est aussi membre du comité consultatif du « Center for Digital Transformation » de l’université de Californie. Cet expert fait partie de « Digital Minds for Belgium », une initiative du ministre de l’Agenda numérique, Alexander De Croo. Il a écrit son dernier livre, « The Spirit of the Valley », en collaboration avec Harry Demey et Steven Van Belleghem. avons besoin de compétences typiques pour travailler dans ce nouveau monde. En termes pédagogiques, on parle de STEM (science, technology, engineering and mathematics). En contradiction, on aura grandement besoin de créatifs qui envisagent tout sous un angle différent, presque philosophique. » Doit-on y voir un défi pour l’enseignement ? PH : « Avant, les choses étaient claires : ‘Choisissez la comptabilité, on aura toujours besoin de comptables.’ Or s’il y a une fonction qui sera entièrement automatisée, c’est bien celle-là. Idem pour le droit. Le big data, les algorithmes et les réseaux peuvent tout à fait le remplacer. La profession d’avocat sera complètement chamboulée. Je ne suis pas pessimiste pour autant. Notre vision de l’enseignement et du travail sera toutefois refragmentée en profondeur. » Ne devons-nous donc pas abandonner l’idée selon laquelle tout le monde doit travailler pour gagner sa vie ? PH : « L’idée de ‘travail’ gagne en flexibilité. Le travail englobe une série de missions et d’engagements temporaires. À l’avenir, les gens auront exercé des dizaines, voire des centaines de métiers. » DES LAPINS PÉTRIFIÉS Les nouveaux venus disruptifs sont généralement lean and mean, mais les grandes entreprises qui devront faire face au changement, risquent d’avoir des problèmes. PH : « Le problème des grandes entreprises ne vient pas de l’absence d’accès au capital, au talent ou à la technologie, mais bien de la lenteur du travail. Elles restent tournées vers le 20e siècle, où tout se passait relativement calmement. Aujourd’hui, les choses s’accélèrent. Les grandes entreprises s’en rendent compte et se disent : ‘Nous allons désigner une personne pour prendre en charge cette innovation radicale.’ Ce sont des gens très intelligents, mais généralement les plus isolés dans ces entreprises. Chaque entreprise devrait avoir un disruption committee et ne pas se préoccuper de rester dans les clous. De nombreuses entreprises sont brillantes quand il s’agit de respecter les règles, mais le jour où elles devront changer rapidement et repenser le fonctionnement de leurs relations client, de leurs réseaux et de leurs technologies, elles seront comme des lapins qui fixent, pétrifiés, les phares d’une voiture qui arrive à toute vitesse. » ¶ NOTRE CERVEAU EST UNILATÉRAL ET LINÉAIRE. IL N’EST PAS DU TOUT CONÇU SELON LE CONCEPT DE RÉSEAU THE R-EVOLUTION SPECIAL EDITION 019

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