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TOUT NE REPOSE PAS UNIQUEMENT SUR DE BONNES CAMPAGNES. IL NE SUFFIT PAS D’AMÉLIORER SON MARKETING ; IL FAUT JOINDRE LE GESTE À LA PAROLE Si la durabilité joue un rôle pour les marques, et donc pour le marketing, ne faut-il pas revoir les arguments de vente ? Plus d’informations, moins de séduction creuse ? TK : « Je ne crois pas vraiment en l’information comme stratégie de communication. Les gens ne fonctionnent pas comme ça. La plupart de nos décisions d’achat sont prises dans la partie la plus ancienne de notre cerveau : notre cerveau primitif, où il n’est pas encore question de langage. Quand nous faisons les courses, nous sommes guidés par nos émotions. Nous pensons être rationnels alors qu’il n’en est rien. On aura beau avancer mille et un motifs et arguments pour étayer une décision, au fond de nous, nous sommes des émotifs. Les arguments sont secondaires. Je constate, par contre, que les conversations et les aspirations changent. Une marque comme Chipotle l’a bien compris et met l’accent sur des ingrédients sains et sur le bien-être des animaux. Ce récit a vite fait de se distinguer positivement de celui des autres acteurs du secteur de la restauration rapide. C’est un sujet qui vous inspire, voire vous fait rêver : qu’adviendrait-il si nous prenions davantage soin de la planète ? Voilà en quoi consiste le goodvertising. Dans le cas de Chipotle, il s’agit d’une publicité qui vous pousse à aller voir plus loin et qui ne se limite pas à la sécurité alimentaire et au calcul des calories. Une publicité qui incite les gens à réfléchir à leur comportement. Il ne s’agit pas uniquement de goodvertising. Tout est question de durabilité d’un bout à l’autre du processus de production. Nous sommes face à un défi de taille : de nombreuses grandes marques auront peut-être disparu d’ici cinq à dix ans. L’âge moyen des entreprises du classement Fortune 500 était de 70 ans dans les années 1920. Aujourd’hui, il est de 14 ans et je ne serais pas étonné qu’il tombe à cinq ou sept ans. La durabilité joue un rôle majeur à cet égard : il s’agit de fabriquer des produits intelligemment et de positionner les marques sur le marché. Le marketing repose bien sûr en grande partie sur le storytelling, mais on constate de plus en plus qu’une transparence attestée a un impact considérable sur le regard que les consommateurs posent sur vous. » Les gens sont-ils prêts à mettre davantage la main au portefeuille quand ils savent que quelque chose est durable ? TK : « Voilà une question bizarre. Notre secteur n’a-t-il pas Avec « Goodvertising Agency », Thomas Kolster aide les entreprises à adopter une communication durable. Il a créé la première plate-forme où les utilisateurs peuvent partager leurs meilleures pratiques en matière d’ initiatives durables : wheregoodgrows.com. D’origine danoise, Kolster écrit des chroniques pour The Guardian et d’autres magazines. Il intervient lors d’ événements tels que SXSW & Sustainable Brands. Souvent sollicité pour faire partie du jury de remises de prix internationaux, il est également l’auteur du livre « Goodvertising ». pour unique objectif d’inciter les gens à payer plus pour ce qu’ils achètent ? Prenez votre tasse de café. Combien coûtet-elle réellement et combien l’avez-vous payée ? La durabilité est assurément un élément à inclure dans le prix. Elle démontre que vous vous faites du souci, que vous êtes honnête. J’ai une métaphore qui a du succès dans les congrès consacrés à la durabilité : la durabilité vient de Mars, le marketing vient de Vénus. Celui qui parle de durabilité est un scientifique qui traduit le monde en statistiques… Le marketing n’y consacre quant à lui pas de temps : dans cet univers, tout repose sur les émotions. Les changements sont tellement nombreux… Et tout ne fonctionne pas toujours correctement. Si j’envoie, par exemple, une réclamation au fabricant X, je recevrai très certainement une réponse automatique me remerciant pour mon enthousiasme. Or je suis mécontent ! Les marketeers expérimentent sur un tas de fronts, mais bon nombre d’initiatives génèrent davantage d’agacement qu’elles n’apportent de solutions. Le programmatique pose le même problème. Selon moi, il est même dangereux pour les marques. En marketing, tout s’articule autour des relations et des connexions – vous ne laisseriez pas un programme informatique diriger votre relation amoureuse, non ? Nous devons dépoussiérer quelques principes de base : un service efficace, un juste prix, le lien avec la marque… Les gens aspirent à nouveau au petit magasin de proximité, où un vendeur ou une vendeuse sait ce qu’il ou elle vend et donne des conseils. Je vous le garantis : même à l’ère de l’e-commerce, cet aspect local refera surface. » ¶ THE R-EVOLUTION SPECIAL EDITION 013

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