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Entreprendre Responsabilité d’entreprise : de la raison d’être au droit d’exister D.R. Réaliser des profits suffit-il pour justifier la raison d’être d’une entreprise ? De moins en moins. Aux humains de la planète, aux citoyens, à ses clients, salariés ou actionnaires, l’entreprise doit désormais apporter les preuves des transformations qu’elle opère pour enrayer l’accélération des changements climatiques et sociétaux1 . Alors tout le monde se jette à l’eau pour définir sa « nouvelle raison d’être », avec plus ou moins de succès. [Coproduction] Q 1 uelques études et statistiques2 récentes suffisent à se convaincre que l’avenir appartient à celles et ceux qui endossent leur part de responsabilité, à titre individuel et collectif, dans une transformation de l’économie compatible avec l’urgence climatique. Cette conviction est partagée par des acteurs économiques à tous niveaux, comme en témoigne l’intérêt grandissant pour la responsabilité sociétale d’entreprise (RSE ou CSR pour ‘Corporate Social Responsibility’). Parmi les derniers à sortir du bois, le Medef (syndicat patronal français), très fier d’« agir pour une croissance responsable »… avec un taux de crédibilité qui paraît assez faible, non ? D’autant que la rhétorique paraîtra suspecte à ceux pour qui la « croissance » devrait au moins être redéfinie. On ne peut pas tricher Le green washing ne passe plus. On a galvaudé les valeurs en les rendant insignifiantes, noyé la RSE dans une littérature pléthorique et souvent pauvre en preuves, mais, sur cette question de « raison d’être », il y a blocage : on ne peut pas tricher. À ce jeu-là, de nombreuses marques vacillent. Adidas aux États-Unis frôle ainsi la catastrophe depuis que le New York Times a fait émerger, en juillet 2019, l’idée d’une discrimination raciale au sein de l’entreprise, alors qu’elle a axé sa communication sur les leaders d’opinion de la communauté noire. Emmanuel Faber, directeur général de Danone, a lui aussi senti le vent du boulet à travers un boycott de la marque au Maroc. Il prêche aujourd’hui la responsabilité des marques : « Lorsqu’une entreprise comme Danone abandonne les OGM, assène-t-il, on parle de millions d’hectares concernés ». La marque est un repère, et on voit celles qui dérivent, mais quand l’une d’elles va dans le bon sens, elle a tout à y gagner. La « raison d’être » n’est pas une promesse de plus. Elle engage pleinement la marque en expliquant ce qu’elle porte, au sens propre. Elle l’engage mais aussi la défend, dès lors qu’elle est en cohérence avec son fonctionnement, ses projets et ambitions. Si la formulation d’une nouvelle raison d’être, adaptée aux crises dérivées du contexte climatique, relève au premier regard de la communication, celle-ci exige une réflexion bien plus profonde : il s’agit d’un véritable projet d’entreprise. Un enjeu passionnant, qui exige du courage pour affronter une remise en question et un repositionnement en profondeur. ● Dernier Rapport du GIEC : en moyenne, la planète s’est réchauffée de 0,87°C. Donnée obtenue en comparant la période 1850-1900 à 2006-2015. Sur la période de référence, les continents ont vu leur température de surface croître de 1,53°C en moyenne. 2 2015 The Sustainable Imperative Nielsen & 2017 Edelman Earned Brand : 66 % des consommateurs sont prêts à payer plus cher pour des marques durables, et 67 % achètent une marque pour la 1re fois parce qu'ils sont d'accord avec leur prise de position sur un sujet. 2016 Deloitte Millennial Survey : sur un échantillon de 7 700 “millenials” interrogés dans 29 pays, 88 % des “millenials” qui prévoient de rester au moins 5 ans dans leurs organisations déclarent que celle-ci a une raison d’être. 2016 Purpose at Work, LinkedIn : sur un échantillon de 26 151 membres interrogés dans 40 pays, 73% des personnes 'purpose oriented' sont satisfaites de leur travail. Beatriz Vilchez-Silva et Pierre Rode - La Colmena hi@la-colmena.eu https://la-colmena.eu/en/ +32 487 96 07 82 Bruxelles Métropole - octobre 2019 ❙ 33

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