Idées Pour ou contre la rémunération obligatoire des stagiaires ? En mars dernier, au Québec, plus de 40000 étudiants sont descendus dans les rues pour demander la rémunération de tous les stages. Le débat trouve également sa place en Belgique. Angela Sciacchitano, Secrétaire Générale des Jeunes FGTB La rémunération des stagiaires relève pour nous de l’évidence. Du moment où le stagiaire s’inscrit dans la production de richesse au sein de l’entreprise, il devrait être payé. C’est pourquoi nous insistons pour obtenir la généralisation de la convention d’immersion professionnelle lors des stages. Cette convention permet de rétribuer le stagiaire à hauteur de 796 € par mois et contraint l’employeur à l’assurer en cas d’accident de travail. C’est là une juste rémunération qui s’adapte à la réalité des stages, qui se composent en partie d’un apprentissage, lié aux études, mais également d’une réelle contribution professionnelle. Le fait est, par ailleurs, que l’on constate une surqualification des stagiaires. On le voit notamment à Bruxelles, où les lobbys européens recrutent souvent des stagiaires au niveau académique et professionnel impressionnant. Auréolés de leur ancrage dans le quartier européen, ces organisations abusent en réalité de jeunes très bien formés, et utilisés pour réaliser un travail purement productif. Les écoles sont parfois même complices, en incitant, voire en obligeant leurs étudiants à réaliser aveuglément des stages dans l’optique de valider leurs années. On se retrouve alors avec des étudiants dont le CV démontre de compétences réelles, et qui enchaînent les stages non-rémunérés pour parfaire aux injonctions universitaires. Rappelons seulement aux entreprises que réaliser un stage, cela représente un coût réel pour l’étudiant (logement, transports, tenue professionnelle…). On remarque également que les étudiants, qui comptent bien souvent sur un job étudiant pour satisfaire à leurs besoins élémentaires, n’ont plus ni le temps ni l’énergie d’assumer à la fois un stage et un petit boulot. Joris Vandersteene, Senior Manager HR Projects, FEB La décision d’accorder ou non une rémunération au stagiaire doit relever du choix de l’employeur, et en aucun cas être imposée. Les stages revêtent une grande diversité, du stage d’observation jusqu’au stage de fin d’études. Un stage a deux composantes : l’apprentissage au sein de l’organisme d’accueil, et l’intégration du stagiaire dans la chaîne de création de valeur de l’entreprise. Mais force est de constater que, selon la durée du stage ou encore le niveau de formation du stagiaire, la balance penchera plutôt d’un côté ou de l’autre. Plus encore, les stages s’inscrivent en grande majorité dans le parcours académique des étudiants. L’accueil d’un ou de plusieurs stagiaires par une entreprise est un complément nécessaire à l’enseignement pur, qui ne peut à lui seul suffire pour intégrer au mieux les jeunes dans le paysage professionnel bruxellois. Le stagiaire doit ainsi trouver en l’expérience qu’il acquiert en entreprise une forme de rémunération, dans la consolidation de son bagage de connaissances théoriques et techniques. Contraindre les entreprises à accorder en toutes circonstances une rémunération aux stagiaires, c’est à la fois limiter la capacité des entreprises d’accueillir et de former des étudiants, et réduire le champ des possibilités de ces derniers pour avoir une première ou seconde expérience professionnelle. Enfin, cette obligation de rémunération toucherait indéniablement les PME ou les start-ups. Or, c’est au sein de celles-ci que l’esprit d’entrepreneuriat est le plus prégnant. L’occasion y est donnée aux jeunes d’être pleinement intégrés dans la dimension stratégique qui constitue le corps de ces entreprises. Nous avons besoin de cultiver l’esprit d’entrepreneuriat à Bruxelles, et cela se fera par l’émulation et l’inspiration, et non pas en imposant toujours plus de contraintes aux entreprises. ● Mehdi Ferron (st.) 12 ❙ Bruxelles Métropole - juin 2019 © Getty
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