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lue sans vouloir leur serrer la main », explique Boukhriss. « Une femme émancipée y voit un manque de respect, alors que l’homme la salue aimablement, mais préfère ne pas donner la main par Houssein Boukhris respect pour la femme, et plus particulièrement sa propre épouse. » Les mêmes règles du jeu Comme son collègue Hellemans, Houssein Boukhriss estime qu’une bonne compréhension des autres cultures, religions et contextes est indispensable pour décider si on accepte ou non un certain comportement. Les chefs d’équipe doivent évaluer correctement les raisons pour lesquelles des collaborateurs s’énervent. Cherchons le juste milieu : prendre en compte les gens, sans compromettre le travail. M. Boukhriss insiste sur le professionnalisme. « Dans la vie privée, vous décidez qui vous fréquentez, mais au travail, vous ne pouvez pas choisir vos collègues. Vous êtes payé pour collaborer, ce qui implique du respect mutuel. La loi stipule que vous n’avez pas le droit de harceler, d’intimider ou de discriminer des collègues en raison de leurs différences. » Le formateur souligne aussi la nécessité de limites claires. « Les collaborateurs sont loyaux et satisfaits s’ils se sentent respectés dans ce qu’ils estiment important. Mais ce respect doit être réciproque. Les membres d’un club doivent respecter les règles du jeu. En entreprise, il faut respecter le règlement intérieur et les prescriptions légales en matière d’hygiène et de sécurité. Certaines entreprises exigent la neutralité en matière de religion et d’idéologie lorsque leurs collaborateurs entrent en contact avec les clients. Certains travailleurs se sentent parfois brimés, parce qu’ils ne peuvent par exemple pas porter le foulard. Veillez par ailleurs à ce que la continuité des activités ne soit pas compromise. Si vous employez beaucoup de collaborateurs musulmans, vous ne pouvez pas leur offrir à tous au même moment des congés pour l’une ou l’autre fête religieuse. » Le bandana de l’entreprise L’organisation qui voit s’accroître sa diversité interne peut adapter progressivement sa culture à la nouvelle situation. Comme le dit M. Boukhriss, « Certaines entreprises prévoient un espace de prière et autorisent la prière durant les pauses. En accordant cela aux musulmans, vous suscitez leur bonne volonté. Je citerai encore Ikea et quelques grandes entreprises de nettoyage qui proposent des foulards de type bandana, pas trop voyants et assortis à l’uniforme. Les collaboratrices concernées sont contentes que leur chevelure soit couverte, tandis que les clients remarquent à peine qu’elles portent le foulard. » Le patron peut considérer comme refus de travail des musulmans qui s’esquivent durant les heures ouvrables pour aller prier. « Le collaborateur n’a dans ce cas pas le droit de se plaindre », estime M. Boukhriss. « Cela s’applique aussi au musulman qui travaille en boucherie et qui doit s’occuper de la découpe de viande de porc. Soit il l’accepte, soit il conclut que cet employeur ne lui convient pas. » Un oui qui n’en est pas un Imaginons que vous ayez une équipe de projet d’origines multiples : des Belges de souche et des personnes d’origines africaine et asiatique. Ces personnes ont des conceptions différentes du temps. Marco Hellemans cite l’exemple d’une formation UCM pour des non-Européens qui veulent lancer une entreprise en Belgique. « Les formateurs étaient d’ici, tandis que les clients étaient surtout originaires du Maroc et du Congo. Les formateurs ont constaté que les Congolais cherchaient constamment des prétextes pour éviter d’établir un plan d’affaires. J’ai expliqué que cela n’avait rien à voir avec de la paresse ou de la mauvaise volonté. Les Congolais ne savent pas ce qu’ils vont faire la semaine suivante et a fortiori, ce qu’ils doivent mettre dans un plan d’affaires. Dès lors, lorsque les formateurs ont expliqué au préalable qu’il est malheureusement nécessaire ici de réfléchir à ce que l’on veut atteindre dans l’avenir, les choses sont devenues plus faciles. » M. Hellemans attire aussi l’attention sur la vision plus systématique qu’ont les Asiatiques. Ils veulent à tout moment garder une vue d’ensemble du contexte dans son entier. « Lorsqu’on donne un briefing à un Asiatique, il ne suffit pas de dire que le travail doit être terminé pour le lendemain. Il faut aussi expliquer les antécédents du dossier et ce qui devra encore se faire par la suite. Il faut enfin préciser les conséquences d’une exécution tardive. Un Asiatique n’admettra jamais qu’il n’est pas au courant, parce que cela équivaut à perdre la face. Il ne dit jamais non (ce mot n’existe même pas en mandarin). Et lorsqu’il dit oui, cela ne veut pas dire qu’il est d’accord, mais qu’il a entendu. Il faut pouvoir décoder ce genre de choses pour travailler avec eux. » ● Marco Hellemans Peter Van Dyck Bruxelles Métropole - mai 2019 ❙ 47 D.R. D.R.

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