21

Idées Pour ou contre la refédéralisation ? La sixième réforme de l’État a accouché d’un véritable dédale : même les institutionnalistes trouvent notre structure d’État trop complexe, et certains parlent de refédéraliser des compétences. Une bonne idée ? Dave Sinardet, professeur de sciences politiques à la VUB La refédéralisation est passée du statut de tabou à celui de débat utile. Après six réformes de l’État à sens unique, il semble opportun de s’intéresser aux résultats. La Flandre, la Wallonie et Bruxelles sont légalement autonomes pour certaines compétences, mais dans la pratique, elles doivent collaborer. D’où la question d’une refédéralisation. La situation est en grande partie imputable à Bruxelles dont la réalité socio-démographique et socio-économique dépasse les limites de la Région. Le Ring, par exemple, se situe pour une grande part en Région flamande ou en Région wallonne. La mobilité cohérente autour de Bruxelles exige donc que les Régions et le fédéral se concertent. Il faut trouver un consensus entre quatre gouvernements, représentés par huit partis à qui il arrive de se torpiller l’un l’autre. La Flandre veut instaurer une tarification routière, la Wallonie envisage une vignette et Bruxelles un péage. Quand bien même ces trois systèmes seraient juridiquement combinables, les spécialistes de la mobilité affichent une moue unanime. N’est-il pas préférable de refédéraliser de telles compétences pour éviter des situations kafkaïennes ? Autres exemples : l’environnement et l’énergie. En dépit du fractionnement des compétences, les politiques ne divergent guère. Les allocations familiales ? Des systèmes très proches, malgré la régionalisation. On aurait pu garder cette gestion au niveau national. D’autant plus que le passage d’une administration à quatre, cela coûte au contribuable. Bart Maddens, politologue à la KU Leuven Le transfert des compétences aux Régions s’explique par l’inefficacité du fédéral. Les réformes de l’État ont servi à gérer les conflits. Je pense à la nomination des bourgmestres en périphérie flamande, notamment Damien Thiéry qui n’a pas pu devenir bourgmestre de Linkebeek pour avoir enfreint la législation linguistique. Un cas comparable à celui de José Happart, dans les Fourons des années 80, au point de déstabiliser constamment le gouvernement fédéral. Personne n’affirmera aujourd’hui que nous disposons d’une bonne structure d’État. Nous voilà face à un dédale hallucinant de transferts partiels de compétences. La sixième réforme de l’État a rendu tout particulièrement complexe, faute d’avoir transféré des compétences complètes. Nous avons le choix : refédéraliser ou conférer des ensembles de compétences plus homogènes aux Régions. La deuxième option me semble plus crédible. Nous pourrions par exemple régionaliser davantage le marché du travail. Le contrôle des sans-emploi est une compétence flamande mais les conditions légales d’octroi de l’allocation restent fédérales. Les adeptes d’une refédéralisation ne réalisent pas suffisamment que cela implique la création d’une nouvelle législation fédérale. Imaginons que la politique climat retourne au fédéral : il faudrait alors que trois décrets climat différents, concoctés sur mesure pour les Régions, soient reconvertis en une nouvelle loi fédérale qui s’applique à l’ensemble du pays. C’est la meilleure façon de créer un problème communautaire potentiellement déstabilisant. ● Peter Van Dyck Bruxelles Métropole - mai 2019 ❙ 19 © Getty

22 Online Touch Home


You need flash player to view this online publication