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Bruxelles, vous devez justifier d’un bâtiment même s’il a deux siècles. Suite à une question parlementaire que j’ai posée, le Ministre-Président a confirmé que tout ce qui avait été construit avant mars 1962 devait être considéré comme régularisé. Mais toutes les administrations ne l’acceptent pas ! Si vous disposez, par exemple, d’une véranda construite en 1963, votre voisin ne peut la contester civilement car elle a plus de 30 ans, mais la commune le peut ! Cet exemple qui paraît anecdotique, il y en a des milliers ! Il faudrait que l’on décide une fois pour toute de prescrire et de ne maintenir que les problèmes de sécurité. » Les délais de traitement des dossiers en Région Bruxelloise sont les plus longs du pays, voire d’Europe. La réforme du Cobat y remédie-t-elle ? « Je ne pense pas. Le nouveau Cobat introduit la notion de ‘délai de rigueur’, lequel n’entraine pas acceptation du permis mais permission d’aller en recours : si une commune ne répond pas dans le délai imparti, vous pouvez vous pourvoir d’office à la Région. Mais la parade des communes, c’est de mettre du temps à déclarer le dossier complet, donc le délai ne commence pas ! Si vous réclamez, ils vous trouvent un petit quelque chose pour déclarer votre dossier incomplet, puis font des remarques et vous recommencez. Ces délais ont un coût, répercuté bien sûr sur l’acheteur. » Vincent Dehon : « On nous fait lanterner jusqu’à trois ans » À l’interface administration/public, les architectes sont bien placés pour évoquer les joies de notre urbanisme. Vincent Dehon, administrateur de GS3 architectes associés, aborde la question sous l’angle des délais de traitement des dossiers. La Région semble être championne toute catégorie des délais à rallonges ; réputation méritée ? « Haut la main ! Les communes sont particulièrement lentes et ne respectent pratiquement jamais les délais prévus de 30 jours pour délivrer un accusé de réception puis, généralement, de 120 jours pour rendre une décision. On peut nous faire lanterner jusqu’à trois ans lorsque les choses se compliquent. Comme les communes et la Région ne sont pas sanctionnables, il n’y a pas de raison qu’elles se pressent ou engagent du personnel pour résorber leur retard. Face à ce constat, la réforme du Cobat introduit la notion de ‘délai de rigueur’. Si les délais ne sont pas respectés, vous pourrez dans les 30 jours saisir le fonctionnaire délégué ; celui-ci aura alors à nouveau 45 jours, majorés de parfois 45 autres jours pour diverses raisons, afin de statuer sur votre dossier. Un tour de passe-passe qui permet d’inclure le retard moyen dans un délai légal. » Et si ce délai de rigueur est dépassé et que vous n’avez pas saisi le fonctionnaire délégué ? « Cela équivaut à un refus de permis : vous êtes reparti pour un tour de manège. » Hormis la question de nos délais, quelle autre faiblesse présente la gestion bruxelloise de l’urbanisme ? « L’introduction d’un dossier est un engagement dans un processus incontrôlable. La multiplicité des textes sur lesquels s’appuie le Cobat ; la multiplicité des niveaux de pouvoir qui se sentent concernés ; la crainte des fonctionnaires d’essuyer un recours ; l’inanité de certaines dispositions que revendiquent certaines communes ; l’immixtion des communes dans certains projets, où elles substituent leur « vision » à l’expertise d’un promoteur… Enfin, l’incertitude est renforcée par le clientélisme, conséquence directe d’une administration grippée : la tête du client joue hélas sa part dans l’obtention d’une décision. » Une mesure significative du nouveau Cobat ? « Il était prévu que ce chemin de croix qu’est l’obtention d’un permis soit balisé par une ‘réunion de projet’ préalable à toute demande. Tous les intervenants se réunissent, on discute, on amende, etc. puis on rédige un PV de l’avis dégagé et les choses sont clarifiées en amont. C’est évidemment utile au plus haut point. Dans le nouveau Cobat, cet avis n’est plus engageant ; il ne sert donc à rien et cette réunion perd tout son sens. » L‘urbanisme bruxellois, usine à gaz ? « Une des plus fumeuses jamais créées... » Didier Dekeyser Le Ministre-Président Rudi Vervoort tient à nous préciser les causes du report de la réforme du CoBAT : « La réforme a été reportée pour cause d’informatique et de formation des administrations au regard surtout du délai de rigueur (qui représente une grande avancée dans la rapidité de traitement des dossiers). L’application des seuils n’est pas retardée, pas davantage d’ailleurs que l’adoption des arrêtés d’exécution. Par ailleurs, la planification est, elle, bien entrée en vigueur en son temps et l’élaboration de nouveaux plans est très avancée. » Bruxelles Métropole - mai 2019 ❙ 17

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