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sur la forme des grands mammifères marins et armés de radars. Dans les villes, Luc Schuiten propose de s’inspirer de la fourmilière avec son chenillard pour annihiler l’esprit de compétition qui anime les rues, où le roi de la jungle urbaine double et redouble de vitesse, en appuyant compulsivement sur son klaxon, gesticulant des signes et vociférant des mots qui affirment haut et fort son agressivité : « On s’appuie sur un modèle de coopération, où de petite unités automatisées s’emboîtent l’une à la file de l’autre pour profiter de l’énergie cinétique de l’ensemble et consommer moins. Le courant se prend sur un rail électrique, plus dans des batteries individuelles qui ont un coût écologique élevé, surtout que le stockage est encore un point faible. Rotatif, le moteur électrique est supérieur au moteur à explosion, qui prend de la vitesse dans un sens puis repart dans l’autre. » L’énergie est constitutive de l’univers ; elle est partout et prend de multiples formes. C’est une force de vie. Mais sa mobilisation par l’homme est encore primaire et dévastatrice. Une évolution technologique et spirituelle Greenloop s’est d’abord orienté vers le biomimétisme technique et s’est lié à des universités pour piéger le CO2 à la manière du vivant. « En faisant passer le CO2 qui sort des cheminées dans une douche bactérienne, on veut le transformer en une pâte calcaire liquide, qui constituera, une fois séchée, un matériau de construction », explique Gaëtan Dartevelle. « On a trouvé des bactéries qui précipitent ce CaCO3 quand elles vivent en symbiose avec l’arbre iroko et on a réalisé une plantation en Haïti. Ces résultats étaient prometteurs, mais la recherche appliquée devait être poussée ; les industriels les estimaient insuffisants pour investir. » Afin d’ouvrir les entreprises au biomimétisme, il a proposé via Greenloop d’optimiser leur fonctionnement et leur résilience – la capacité de leur système à renouer avec une durabilité – en s’inspirant de 30 principes du Le tramodulaire vivant qui régissent notamment les relations de groupe chez les animaux : « Par exemple, en suivant les étourneaux sur un software, on voit que chaque oiseau a en permanence 7 voisins dans sa ligne de mire. Si 4 vont à gauche, il suit le mouvement. Cette intelligence collective permet une réaction en chaîne ultra rapide. Imaginez une entreprise et 7 de ses partenaires qui avancent vers un objectif précis, se revoient pour se coordonner et sont liés plus largement en ce sens à d’autres acteurs. Si la destination est certaine – créer un monde compatible avec la biosphère – le chemin n’est pas encore tout à fait connu. On a besoin d’agilité. Le vol des étourneaux contourne rapidement les obstacles, s’adapte constamment. » Renoncer à la culture de l’ego fondée sur des croyances aveugles offre à voir le monde du vivant sous l’œil de l’observation scientifique, et à pressentir la conscience qui l’habite en se laissant guider par son instinct. Voire, en marge de cette approche biologique, à appréhender par la voie de la physique la réalité du plein comme étant le reflet du vide. Le biomimétisme « change le regard que nous avons sur les ‘autres’ organismes vivants », selon Gauthier Chapelle. « Avec l’humilité revient aussi le sentiment de ‘reconnexion’... Nous rappeler notre ascendance, c’est nous conduire à prendre du recul sur notre civilisation industrielle. Nous souvenir de la jeunesse de notre espèce. » 27

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