TOPIC Le mentor et l’interlocuteur Les élèves du TA Halle passent environ cinq semaines chez Audi. Ils y reçoivent d’abord des exercices pratiques sur des appareils de l’entreprise, sous la supervision d’un instructeur d’Audi ou de leur propre professeur. Vient ensuite un stage de deux semaines, où ils appliquent ce qu’ils ont appris au cours. « La sécurité reçoit évidemment une attention toute particulière. L’attitude correcte et la discipline sont essentielles », estime Maggy Vankeerberghen. Les jeunes travaillent aussi en groupes restreints pendant quatre jours, le temps d’une épreuve intégrée qui consiste à analyser un problème et à améliorer le processus. Les collaborateurs d’Audi qui encadrent les étudiants suivent une formation de mentor. « Leur mission consiste à donner des explications techniques aussi structurées et simples que possible, pour que les jeunes puissent les intégrer », explique Heleen Devriese. « Ils doivent savoir également comment donner du feed-back aux élèves. Le mentor est leur premier interlocuteur. Ils débouchent dans une vaste usine et il n’est pas question qu’ils s’y perdent, au propre comme au figuré. » Le mentor, lui, se réfère à ses fiches pédagogiques : elles mentionnent les critères d’évaluation et la matière à aborder. Les enseignants reçoivent dès lors un autre rôle. « Ils interviennent plutôt comme des coaches qui encadrent les élèves individuellement », dit Maggy Vankeerberghen. « Ils les guident dans la mesure où la matière ne provient plus exclusivement de l’école. Bref, où trouver quelles connaissances et comment appréhender l’information de manière critique ? La numérisation réoriente l’enseignement vers les compétences du XXIe siècle, notamment la flexibilité et la capacité à travailler en équipe. » Auto-évaluation La concertation est continue. La coordinatrice Heleen Devriese se réunit plusieurs fois par mois avec les écoles pour assurer un suivi rapproché. « Nous réexaminons le programme d’apprentissage chaque année. Étant donné que nous lançons la production de l’Audi e-tron 100 % électrique, nous adaptons aussi la formation des jeunes. Précédemment, nous avons déjà modifié l’évaluation des ‘compétences douces’. Nous venons par exemple d’instaurer l’auto-évaluation. » Heleen Devriese est formelle : l’apprentissage en alternance a déjà permis à Audi de détecter des talents qui seraient sans doute passés inaperçus. Aujourd’hui, environ la moitié des étudiants qui réussissent leur formation décident de poursuivre leurs études (une 7e année ou l’enseignement supérieur). L’autre moitié signe un contrat chez Audi. « Nous voulons réellement offrir des perspectives », déclare la coordinatrice. « Nous gardons aussi le contact avec ceux qui entament des études supérieures. Nous suivons leur parcours parce que leur profil pourrait être intéressant pour nous dans l’avenir. » Pas la panacée contre le ras-le-bol scolaire René Konings estime, chez Agoria, que les entreprises souhaitent davantage d’écoles bruxelloises dans l’enseignement en alternance. « Ce type d’enseignement est fondamental dans le secteur technologique. Il renforce le marché du travail et améliore la motivation des élèves. 42 BECI - Bruxelles métropole - septembre 2018 © Audi Ces jeunes développent de meilleures compétences. Ils nous disent qu’après avoir expérimenté l’enseignement en alternance, ils ne veulent plus retourner à l’enseignement classique. Nous considérons cette nouvelle formule comme l’apprentissage de demain. » Aux responsables politiques, René Konings adresse ce message : ne considérez pas seulement l’enseignement en alternance comme une solution pour les jeunes sous-qualifiés et ceux qui sont au chômage. Ce n’est certes pas la panacée contre le ras-le-bol et l’échec scolaires. Maggy Vankeerberghen abonde : « L’enseignement en alternance peut induire un changement de paradigme. L’école qui, aujourd’hui, se cramponne au tableau noir et à la craie est condamnée à perdre des élèves. Et puis, ne feignons pas d’ignorer que les élèves d’une classe présentent des niveaux différents. Si l’enseignement est conçu pour l’élève moyen, vous sacrifiez les meilleurs et les moins bons. Nous devons être ouverts au monde des jeunes et leur donner davantage de responsabilités. L’objectif est qu’ils s’approprient davantage le processus d’apprentissage. » L’apprentissage en alternance doit recevoir le même label de qualité qu’en Allemagne et en Suisse, où ce système s’appuie sur une longue tradition. Les écoles qui veulent le mettre en œuvre ont besoin d’au moins un an pour s’y préparer. « Au cours de cette période, l’école et l’entreprise constituent une communauté d’apprentissage où on réfléchit à la façon d’organiser concrètement la formation dans l’environnement professionnel », dit René Konings. « Cela demande un engagement considérable de tous les intervenants. L’apprentissage en alternance doit bénéficier de l’appui de tous et d’une grande confiance entre l’école et l’entreprise. » Les entreprises ou les écoles qui veulent intégrer l’enseignement en alternance doivent comprendre qu’il s’agit d’un projet particulièrement prenant. Comme le dit Heleen Devriese, « tout est une question de communication. Si vous n’y croyez pas à 100 %, il vaut mieux ne pas vous lancer. » ●
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