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ENTREPRENDRE pas, même si les patrons ont davantage cette réflexion que les employés eux-mêmes. Ensuite, la reprise par le personnel rencontre de multiples freins, pour la plupart psychologiques. Du côté patronal, on se dit que les employés n’auront pas les compétences, qu’ils n’auront pas les moyens financiers, qu’ils ne voudront pas… Et puis il y a la confidentialité : que vont faire mes employés si je leur annonce que je veux vendre l’entreprise ? Ne vont-ils pas quitter le bateau ? Du côté des employés, les mêmes questions se posent. Serais-je capable ? Ai-je envie de prendre le risque ? Suisje prêt à m’investir autant que mon patron ? Ma famille sera-t-elle d’accord ? Où vais-je trouver les fonds ? Autant d’interrogations qui s’ajoutent au fait que beaucoup n’oseront jamais aller voir leur patron pour lui dire : « J’aimerais reprendre votre société, qu’en pensez-vous ? ». Le processus de reprise de l’entreprise est long et n’aboutit pas toujours. Il faut ménager le temps nécessaire aux parties pour discuter du projet, comprendre les implications, se mettre d’accord non seulement entre patron et employés, mais encore au sein du personnel. Et, plus important encore, avec sa propre famille qui doit absolument supporter le projet. Un point important à souligner est que l’entreprise qui va être transmise via ce processus doit être en bonne forme financière et dégager des résultats permettant d’assumer le paiement au patron sortant du montant convenu. Une notion plus subtile, mais importante de cette nouvelle façon de gérer une entreprise, réside dans le fait que l’individu va devoir changer sa façon de penser. Il ne faudra plus raisonner individuellement, mais en tant que groupe. Les intérêts ne sont plus personnels, ils deviennent collectifs, avec tous les compromis que cela implique. Mais comment gérer cette « intelligence collective » ? Mal organisée, la structure peut alourdir le processus de décision et mettre en danger l’entreprise. Il est donc important que cet aspect de l’organisation soit parfaitement établi, avec des gardefous en cas de litige susceptible de bloquer la gestion de l’entreprise – car le marché n’attend pas. Erick Thiry ourager le mouvement our ceux qui ont répondu aux questions précédentes, il faut encore er que les limitations résident si dans notre législation. Que propose-t-elle pour aider ces potentiels entrepreneurs en herbe ? Eh bien, il faut le constater : pas grand-chose n’est actuellement aménagé. Raison pour laquelle la Région, en collaboration avec le Hub Transmission de la Chambre de Commerce de Bruxelles, a lancé un programme d’encouragement à la reprise par le personnel. D’ici la fin de l’année, le Hub Transmission de Beci va réaliser une enquête auprès des patrons de TPE/PME ainsi que des employés, pour mieux identifier quels sont les freins les plus importants et quelles aides seraient les plus pertinentes pour favoriser cette démarche. Des conférences d’information vont être également organisées, ouvertes à tous les entrepreneurs et employés désireux d’en savoir davantage. Plusieurs pistes de travail sont envisagées, et tout d’abord : comment garantir aux employés repreneurs le minimum de risques en cas d’échec ? La Région wallonne a déjà mis en place une garantie de 75 % sur le capital. C’est-à-dire qu’en cas de faillite, la coopérative n’est solidaire que pour 25 % du capital souscrit. On pourrait également imaginer une participation systématique de fonds d’investissement publics, ce qui limiterait les risques encourus par les nouveaux dirigeants. Ces fonds offriraient des conditions de prêt compétitives et non contraignantes pour l’entreprise. Les fonds pourraient être remboursés par l’entreprise en cinq à sept ans, tenant compte que, pendant les toutes premières années, il faudra capitaliser pour la réserve impartageable. En termes de fiscalité, est-il possible ou nécessaire d’envisager une imposition réduite pendant les premières années de la reprise ? Cette question est valable tant pour l’entreprise que pour les nouveaux associés. En effet, durant cette première période, la coopérative va devoir payer le patron qui s’est retiré. Elle devra également affecter une partie du bénéfice à une réserve impartageable, constituée progressivement, qui ne pourra être redistribuée aux associés. La totalité des bénéfices y est versée jusqu’à ce que les fonds propres atteignent au moins 20 % du total du bilan. Les employés, eux, vont fréquemment perdre une partie de leur revenu. Même si cette démarche est volontaire, elle devrait être encouragée par une réduction de la fiscalité durant la période de reprise. Période qui pourrait correspondre à celle du paiement de la transaction au patron sortant (un à trois ans ?). Mieux que la création ou la reprise par des tiers En résumé, la reprise de l’entreprise par son personnel est une formidable opportunité pour tous : le patron, qui voit son activité continuer et touche un montant de départ, alors que la seule alternative envisagée était la liquidation. Et les employés, qui conservent leur emploi et peuvent devenir patrons à leur tour, avec des perspectives de développement et donc de profits. Pour la Région, c’est la préservation du tissu économique et la prévention de pertes d’emploi. Si ce processus ne manque pas de défis à relever, il offre, dans de bonnes conditions, un taux de réussite de 95 %, très supérieurs à ceux de la création, voire de la reprise de l’entreprise par des tiers. ● Erick Thiry, Coordinateur du Hub Transmission de Beci Plus d’info : eth@beci.be - 02 643 78 36 56 BECI - Bruxelles métropole - juin 2018

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