Le principe de précaution en question GESTION DES RISQUES OGM, nucléaire, vaccination, gaz de schiste, voiture sans chauffeur, nanomatériaux… Ces mots frappés du sceau de la modernité passent chargés de promesses dans notre quotidien mais sont aussi reçus avec défiance. Quels risques encoure-t-on ? S’ils sont connus, on peut choisir de ne pas les prendre ou de les gérer en s’accordant sur une prévention ad hoc. Mais s’ils sont inconnus ? D es règles de prévention peuvent encadrer des risques dont la réalisation est certaine, à des degrés statistiquement divers. Ils sont assurables, désignent une responsabilité et les négliger peut aboutir à des sanctions. Le principe de précaution s’adresse, lui, à… l’inconnu : il y a probablement risque à entreprendre telle action, mais ce risque et sa gravité demeurent insondables en l’état de nos connaissances. Faut-il alors simplement ne pas entreprendre l’action en l’état ? Faut-il surseoir et attendre le blanc-seing ou le veto d’investigations scientifiques à venir ? Ou faut-il faire fi de précautions pour éviter l’immobilisme et sacrifier inutilement des bénéfices certains à des risques inconnus ? Prudence… Cela introduit un débat qui oppose tenants d’un développent durable précautionneux et partisans d’un développement audacieux, basé sur l’innovation, confiants dans cette même innovation pour tirer plus de profits que de déboires d’une prise de risque. Pour les premiers, le principe est sain et porteur d’un développement maîtrisé et durable. Il permet une prise de décision raisonnée car appuyée sur des expertises, essentiellement scientifiques. Exiger qu’un risque soit identifié et que sa réalisation soit probabilisée n’est pas un facteur d’immobilisme : il est raisonnable et légitime de réclamer moins d’impulsivité pour des actes posés par quelques-uns mais qui peuvent impacter toute la société, avec la circonstance aggravante, quelquefois, qu’un soupçon d’irréversibilité pèse sur les conséquences de certaines innovations. Ils soulignent aussi que cette position de précaution est réclamée par une très large partie de la population, qui n’entend plus qu’on l’infantilise sous prétexte qu’elle n’est pas informée et qui ne veut pas payer au prix fort les errances intéressées de 34 BECI - Bruxelles métropole - décembre 2017 Didier Dekeyser quelques-uns, comme ce fut le cas lors de la crise des subprimes par exemple. …ou audace ? Pour les tenants de l’innovation libre comme facteur clef du développement économique, le principe de précaution rend pusillanime, jusqu’à condamner les entrepreneurs créateurs de richesses à l’immobilisme, notamment en étendant l’incertitude de la responsabilité des entrepreneurs ou des pouvoirs publics au-delà du raisonnable. Ce principe donne, en outre, prétexte aux pouvoirs publics de s’exonérer d’une prise de risque qui déplairait éventuellement à leur électorat. Par ailleurs, ils font remarquer qu’utiliser des connaissances scientifiques du moment pour découvrir et évaluer des conséquences futures, pour lesquelles manquent par définition des données, indique une insuffisance du principe. Tout comme l’impossibilité d’être exhaustif dans le bilan des avantages et inconvénients d’une innovation, les interactions ultérieures étant trop nombreuses et indéchiffrables. S’il est vrai, disent-ils enfin, que certaines innovations ont pu se révéler dangereuses (amiante…), il n’en est pas moins vrai que, globalement, elles ont permis un confort de vie inégalé à nos sociétés et que le progrès technique ne peut être entravé sous peine de régression. La concurrence entre États et/ou parties du monde dans l’appropriation économiques des richesses est d’ailleurs à ce point rude qu’il est inutile de refuser un développement qui sera de toute façon porté ailleurs. Décharge pour l’entrepreneur Le principe de précaution s’applique à l’incertitude, s’intéresse le plus souvent à des impacts à très grande échelle concernant la santé publique et l’environnement, (Suite p. 36) © Thinsktock
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