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THINK TANK POUR OU CONTRE L’objectif mixité dans le décret inscription ? Le préalable est largement partagé : la transparence amenée par les décrets inscription est appréciée, tandis que les critères de départage géographiques du dernier décret sont jugés contre-productifs. La question reste par contre entière, quant à savoir s’il serait pertinent de garder ou non l’objectif mixité à l’intérieur d’un futur décret inscription. Ophélie Delarouzée Étienne Michel, directeur général du SeGEC (Secrétariat Général de l’Enseignement Catholique) Il est sans doute possible de faire mieux, mais l’histoire montre qu’il est possible de faire moins bien. Le vrai défi est de créer des places dans les écoles, car le décret inscription ne sort ses effets que lorsqu’il y a un déséquilibre entre l’offre et la demande. Il définit des critères de départage. Il y a eu le principe du « premier arrivé, premier servi », qui a créé les files ; le tirage au sort du « décret loto » et l’émergence de critères de proximité – mais, quand il n’y a pas de mixité sociale dans les quartiers, cela a des effets pervers, jusqu’à impulser une augmentation des prix de l’immobilier autour des bonnes écoles. À l’intérieur du décret actuel, il y a un équilibre entre ces critères géographiques, qui fonctionnent à rebours de la mixité, et la priorité accordée aux élèves qui viennent d’écoles à indice socio-économique faible. Se contenter de retirer cette priorité produirait moins de mixité demain qu’aujourd’hui. Cette disposition ne peut être reconsidérée que dans le cadre d’une révision plus large. Cela dit, les grands processus de segmentation entre écoles se développent surtout à partir du secondaire. Les parents prennent en général une école fondamentale près de chez eux et le choix ne se pose vraiment qu’à l’entrée en secondaire, quand l’enfant peut se déplacer seul et que les écoles ont des visages plus différenciés. Dans la perspective d’un tronc commun jusque 15 ans, rebattre les cartes à 12 ans avec un décret inscription est assez contre-intuitif. Quant à remplacer les critères géographiques par des critères pédagogiques, qu’estce que cela veut dire concrètement ? Le principe fondamental de libre choix des parents est déjà un critère pédagogique, puisqu’ils choisissent l’école en fonction de son projet pédagogique et des besoins de leur enfant tels qu’ils les évaluent. J’attends que chacun sorte un peu du bois pour y voir plus clair. Un débat sur les critères pédagogiques pourrait s’ouvrir en lien avec le tronc commun du pacte d’excellence. 14 BECI - Bruxelles métropole - octobre 2017 Roberto Galluccio, administrateur délégué du CPEONS (Conseil des Pouvoirs organisateurs de l’Enseignement Officiel Neutre Subventionné) On ne fait pas la mixité en travaillant uniquement sur la première année d’un premier degré et en proposant de monter jusqu’à 20 % le pourcentage d’élèves issus d’écoles à indice socio-économique faible. On constate que les établissements qui, théoriquement, devraient accueillir ces 20 % sont peu nombreux parmi les écoles qui ont les listes d’attente les plus importantes. Et, quand un établissement qui pratique une culture d’école tout à fait traditionnelle, et qui a ses propres stratégies, reçoit un public minoritaire qu’il appréhende très mal, il s’en débarrasse très vite. Donc, pour la première année, on montre des chiffres de mixité où, effectivement, on a un certain pourcentage – mais jamais énorme – dans les écoles qui n’ont habituellement pas ce genre de public, et cela donne l’illusion qu’on joue la mixité. Ce critère a été ajouté à la troisième mouture du décret inscription pour permettre à un public fragilisé, issu de certains quartiers à Bruxelles, d’avoir l’opportunité de s’inscrire dans des écoles qui ont une meilleure image au niveau de la réussite, mais malheureusement les établissements ne jouent pas vraiment le jeu. On maintient ce qu’on appelle en Flandre les écoles dites « blanches » et les écoles dites « noires ». On a de très bonnes écoles et de très mauvaises, et les publics ne se mélangent pas. Si on veut arriver à une plus grande mixité, ce qui est quand même un des buts poursuivis par le Pacte d’Excellence, il faut travailler véritablement sur cet aspect-là et pas uniquement injecter un élément dans un décret, ce qui ne touche qu’une petite partie du public. Il faut établir des mesures pour faire en sorte que la mixité soit garantie dès la première maternelle, et donc par des mesures extérieures au décret inscription. Ou bien on joue sur l’ensemble de l’enseignement en Communauté française avec la volonté de créer une réelle mixité, ou alors on continue à créer l’illusion comme on le fait pour le moment. © Reporters

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