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Aux sources de la ville Bruxelles est née de l’eau. Le toponyme l’indique : Bruocsella en francique, Broekzele en vieux néerlandais, c’est bien « l’établissement dans les marais ». Et il ne fait guère de doute que c’est au bord de l’eau que sont apparus les premiers noyaux d’habitation de la future Bruxelles : dans la vallée de la Senne, bien sûr, mais aussi le long de ses affluents, le Koperbeek, le Ruisbroek ou encore le Zavelbeek aujourd’hui disparus, absorbés par le réseau d’égouttage. C’est sur les berges de la Senne, sur le site actuel de Tour & Taxis, que l’on a retrouvé les vestiges d’une villa romaine. Tour & Taxis : un exemple de « paysage augmenté ». Des interventions relativement restreintes, telles que la remise à l’air libre de portions de cours d’eau, façonnent petit à petit le réseau bleu. « La mise à l’air libre d’une centaine de mètres du Molenbeek au bas de la Pontbeeklaan nous a notamment permis de reconnecter une partie des sources du ruisseau aux marécages desséchés de Ganshoren », confie Renaud Bocquet, expert en planification au département Réseau Bleu de Bruxelles Environnement. Voilà une zone naturelle qui revit tout en offrant des perspectives pour la gestion de l’eau. « Le réseau ‘eau de pluie’ relève du réseau bleu », explique M. Bocquet. « Il nous sert à capter l’eau de pluie pour éviter qu’elle ne termine dans les égouts, avec les risques de saturation que l’on connaît. La gestion locale de la pluie permet aussi de créer davantage d’espaces verts, plus de biodiversité et une ville plus agréable à vivre. » Parcs et réservoirs d’eau Bas Smets estime indispensable de ramener la nature en ville. « C’est la seule façon de la garder vivable. Nous devons planter des arbres qui produiront de l’oxygène et récupéreront les émissions de CO2 dans l’air. Le plaisir esthétique de la présence des arbres n’est qu’un atout supplémentaire. D’ailleurs, les entreprises aussi tiennent de plus en plus compte de la qualité de vie dans les villes. Elles souhaitent s’établir dans des quartiers dont le rayonnement leur correspond et où elles peuvent offrir à leur personnel un environnement intéressant. La culture est un aspect important, certes, mais ne sous-estimez pas le paysage. De nos jours, les gens ont de plus en plus de mal de trouver du temps, durant le week-end, pour partir dans la nature. » M. Smets démontre que le paysage peut également être fonctionnel. Pour ce faire, il cite l’exemple du projet Tour & Taxis, dont son bureau a contribué à aménager la première partie du parc. Il y voit un bel exemple de « paysage augmenté ». « Nous avons conçu des réservoirs d’eau souterrains capables de collecter un million de litres – de l’eau qui ne devra donc plus se déverser dans le canal. Nous ne concevons pas le paysage comme un décor esthétique, mais plutôt comme une partie intégrante de la mécanique urbaine. Jadis, l’eau s’écoulait spontanément vers la rivière et, de là, vers la mer. Nous tentons de réintroduire cette logique de la nature pour concevoir un paysage. » C’est aussi la Senne qui a présidé à l’essor économique de la ville en devenir : la plus ancienne mention connue de Bruxelles, autour de l’an 1020, fait référence à son « portus ». Un petit port fluvial établi en aval de l’île Saint-Géry, qui a permis d’exporter les premières productions agricoles des alentours. Sa localisation ne doit rien au hasard : c’est à cet endroit, tout proche de la route commerciale Bruges-Cologne, que la rivière devenait navigable. Plus tard, ce furent encore les rivières qui fournirent l’eau nécessaire à l’industrie bruxelloise naissante, aux tanneries, brasseries, papeteries et autres moulins… Bruxelles doit beaucoup à ses cours d’eau. Il serait juste qu’elle le leur rende un peu. Em. R. Le Bureau Bas Smets étend ses activités à 12 pays. Ce qui se fait par exemple à Hong Kong ou à Los Angeles est source d’inspiration pour notre architecte paysagiste bruxellois et les projets dans sa propre ville. L’international lui a appris que des plans peuvent se permettre d’être visionnaires et révolutionnaires. « Voyez ce que Frederick Law Olmsted a créé au Central Park de New York. » Cette inspiration fonctionne dans les deux sens. « La Senne n’est pas le Rhône, avec ses 120 m de dénivelé comparé à 3000 m et sa longueur de 120 km par rapport aux 3000 km du fleuve. Dans nos contrées, nous avons affaire à des paysages secondaires, où la moindre perturbation provoque un impact. Voilà pourquoi notre bureau a l’habitude de partir d’un inventaire de ce qui existe déjà. Dans la mesure où nous jetons un regard sans préjugés sur la réalité autour de nous, nous parvenons à créer des solutions perçues comme très surprenantes par nos clients étrangers. » ● Les zones humides de la vallée du Molenbeek entre Berchem-Sainte-Agathe et Jette. BECI - Bruxelles métropole - juin 2017 35 © Bureau Bas Smets © Reporters

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