ENTREPRENDRE TRANSITION Les bâches de la Grand-Place transformées en sacs iconiques Afin de réserver un sort meilleur que l’incinération aux bâches qui ont recouvert les bâtiments de la Grande-Place de Bruxelles, le jeune designer bruxellois Pierre-Emmanuel Vandeputte, L’Ouvroir et l’ASPH se sont associés autour d’un beau projet d’upcycling visant à fabriquer des sacs. Johan Debière L es surplus et déchets industriels représentent 49 % de la production totale de déchets en Belgique. Un gisement potentiellement très important pour l’innovation et la valorisation grâce à de nouveaux projets en recherche et développement. L’échevin de l’urbanisme de la Ville de Bruxelles, Geoffroy Coomans de Brachène, a pleinement saisi l’opportunité en lançant un appel à projet, en vue d’assurer une nouvelle vie aux bâches polymères micro-perforées utilisées pour recouvrir les bâtiments de la Grand-Place. Il n’a pas fallu longtemps pour qu’un déclic se produise : « Plusieurs personnes ont répondu à l’appel et trois projets ont été sélectionnés », explique Pierre-Emmanuel Vandeputte, un designer bruxellois en résidence au MAD In Situ1 . Outre son projet, l’Association socialiste de la personne handicapée (ASPH) proposait un dossier similaire, associant à ce travail de transformation des bâches des personnes handicapées occupées en ETA (Entreprise de Travail Adapté). De fil en aiguille, les candidats se sont parlé et ont finalement fait œuvre commune. Une fois les rôles répartis, Pierre-Emmanuel s’est occupé du concept, de la recherche et du développement, l’asbl L’Ouvroir des nombreux aspects liés à la production et l’ASPH de tout le suivi administratif et des demandes de subsides. Sur les 1.200 m² de bâches disponibles, environ un tiers a pu être affecté au projet de fabrication de sacs, le solde ayant été octroyé à deux autres projets de fabrication de yourtes et de transats (des sujets sur 40 BECI - Bruxelles métropole - mai 2017 spécialisées dans le travail de couture. Deux personnes en CDD ont pu être affectées en outre à la confection, dont une a pu rester après la mission. Sans compter la contribution de l’ensemble du personnel de L’Ouvroir (ndlr : une petite trentaine de personnes). L’embauche des personnes aveugles nous a enfin permis de diversifier la nature des handicaps au sein de notre ETA dans le cadre d’un projet diversité d’Actiris ». lesquels nous aurons l’occasion de revenir). Après validation du design, détermination des proportions, fixation des détails importants comme la longueur des anses ou les dimensions des différents sacs, la bâche récupérée a été soigneusement lavée puis découpée. Les morceaux ont été envoyés en atelier et cousus à la main pour produire 460 sacs exclusifs et numérotés. Restait à donner au projet un nom emblématique : Handymade. « Handymade in Brussels a une double signification. Le nom renvoie à la dimension artisanale du travail réalisé, tout en rappelant que l’assemblage a été réalisé par une personne en situation de handicap », explique Pierre-Emmanuel Vandeputte. Pour l’ETA associée, ce projet a été providentiel à plus d’un titre. Damien Logghe, directeur de L’Ouvroir : « Handymade nous a permis d’embaucher deux personnes aveugles Stock écoulé en un jour et demi Le succès a été tout à fait inattendu. « En l’espace d’un jour et demi, les 460 sacs disponibles ont tous trouvé acquéreur au prix de 39 euros pièce. Le matin de la mise en vente, un homme est venu en train depuis Arlon afin d’être sûr de pouvoir acheter un de ces sacs pour sa femme... Nous avons même dû décliner l’offre de l’entreprise de gestion des déchets Suez Belgique qui souhaitait acheter tout le stock », explique Damien Logghe. En effet, les partenaires avaient à cœur d’attribuer ces sacs aux citoyens. Seul un stock limité de 20 sacs a été conservé pour une prochaine mise aux enchères. Au final, un produit des plus intéressants car iconique, particulièrement résistant et fabriqué par des personnes handicapées qui peuvent de cette manière valoriser un beau savoir-faire. Quant à l’avenir, il est déjà tout tracé puisque le succès de ce premier « upcycling » en amène déjà d’autres : la bâche du chantier de la place de Brouckère et les bâches qu’une société privée place régulièrement devant les bâtiments qu’elle rénove à Bruxelles. ● 1. Ateliers de designers pour l’innovation sociale et sociétale de MAD Brussels, situés dans le quartier Anneessens.
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