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Comment les administrateurs doivent-ils se protéger ? • Informez-vous consciencieusement sur les risques et activités de l’entreprise, pour savoir à quoi vous vous exposez en tant qu’administrateur. • Si vous avez un statut d’employé au moment d’accepter un mandat d’administrateur, conservez-le. En tant qu’employé, vous êtes mieux protégé. • Prenez au sérieux votre fonction de contrôle, en tant qu’administrateur. • Intégrez des administrateurs externes dans la composition du Conseil d’Administration : ils représentent une valeur ajoutée pour l’entreprise. • Introduisez un recours si le Conseil d’Administration prend des décisions avec lesquelles vous êtes en désaccord et faites consigner ce recours dans le procès-verbal du CA. • Faites en sorte que l’Assemblée Générale vous accorde la décharge pour les actes que vous avez posés en tant qu’administrateur au cours de l’année écoulée. • Contractez une assurance pour les risques résiduels, afin de préserver votre patrimoine privé. Philippe Hendrickx Des lois plus nombreuses et plus sévères La tendance à plus de sévérité se confirme non seulement dans les dispositions pénales générales (escroqueries, faux en écriture), mais aussi dans les législations environnementale et sociale, ainsi qu’en matière de bien-être au travail. « Dans un monde en évolution rapide, où les lois se multiplient, il devient très difficile pour un administrateur de prendre les bonnes décisions au bon moment sans risquer que celles-ci ne soient considérées ultérieurement comme inadéquates ou erronées », constate Julien Ciarniello. Mehdi Mellah estime pour sa part que la grande vulnérabilité des administrateurs réside dans l’ignorance : de nombreux risques ne sont tout simplement pas connus. « Prenons l’exemple de la sécurité informatique. La protection des données est devenue un thème prioritaire, comme en témoigne la réglementation européenne, qui prévoit des sanctions sévères. Si un pirate s’empare de la banque de données de votre boutique en ligne et éparpille les données sur le net, on peut se demander ce que vous avez fait, en votre qualité d’administrateur, pour prévenir cette situation. L’avènement de l’internet des objets multipliera sans doute encore les causes de responsabilité. Il faut y être attentif. » Lorsque des dégâts sont reprochés aux administrateurs, il y a fort à parier qu’il existe des preuves de négligence dans l’exercice de leur mission de contrôle. Paul Marck, directeur technique de la compagnie d’assurances ADD, explique : « Il y a problème dès l’instant où le Conseil d’Administration ne s’est jamais posé de questions dans des domaines tels que la sécurité informatique. L’administrateur délégué est le plus exposé, dans la mesure où il combine un mandat opérationnel et un mandat d’administrateur. Le Conseil d’Administration a donc tout intérêt à mettre en place des procédures et à faire figurer régulièrement les thèmes importants à l’ordre du jour. » Si le CA prend des décisions avec lesquelles vous n’êtes pas d’accord, en tant qu’administrateur, vous êtes tenu d’introduire un recours officiel (c’està-dire écrit). « On oublie trop souvent la responsabilité individuelle. Ce genre d’acte d’opposition est malheureusement posé trop peu souvent », déplore Mehdi Mellah. « On se retrouve un jour devant le tribunal sans disposer des pièces écrites qui confirment l’opposition à une décision. Dans les grandes entreprises et les banques, il y a des services juridiques étoffés, mais cela ne dispense en rien l’administrateur d’une démarche d’opposition officielle, en cas de désaccord. » Corporate governance La tendance à plus de réglementation dans des domaines tels que l’environnement, la sécurité, la lutte contre la discrimination et la fiscalité résulte du lancement de la corporate governance au début de ce siècle. Le concept, qui provient initialement des entreprises cotées en bourse, s’est généralisé depuis. Paul Marck : « En conséquence, les sociétés ont contracté davantage de polices d’assurance pour protéPaul Marck ger leurs administrateurs. Lorsque, dans les années 1996-97, ADD a été parmi les premiers à proposer des assurances en responsabilité des administrateurs, personne n’en voulait. Ce n’est qu’au début de ce siècle que le marché a lentement pris conscience de l’importance de ce genre de couverture. Même les entreprises familiales ont compris qu’il existait pas mal de risques qui exposaient le patrimoine privé des administrateurs. » Philippe Hendrickx estime que, hormis des exclusions spécifiques et des fautes intentionnelles, la responsabilité qui résulte d’une infraction au Code civil de la part des administrateurs et gestionnaires est couverte de plus en plus fréquemment. Cela n’enlève rien à la nécessité de s’assurer correctement. Avant de conclure une police d’assurance, il faut par exemple veiller à la solvabilité des cosignataires. Julien Ciarniello cite l’exemple d’une société de logements sociaux qui a placé des budgets considérables dans un produit d’investissement risqué. « Par manque de garanties sur le capital, l’organisation n’a pas pu récupérer son argent, ce qui s’est soldé, en fin de compte, par la perte de sa licence. Le liquidateur a engagé la responsabilité des administrateurs de l’époque. Malgré cela, l’assureur a couvert les erreurs de gestion. » ● BECI - Bruxelles métropole - décembre 2016 33 © R.A. © R.A.

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