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FOCUS pour les langues. Malgré cela, ses collègues ne la consultaient pas en cas de doute sur l’orthographe d’un mot, puisqu’elle était « d’origine étrangère ». Que faire, face à une telle situation ? En parler. Ce doit être terrible, pour cette femme. Je comprends combien les signaux émis par les collègues doivent être pénibles, mais elle doit, à son tour, comprendre que de telles attitudes ne sont habituellement pas conscientes. Il n’y a pas de mauvaises intentions, seulement de l’ignorance. Cette dame ne devrait pas hésiter à dire tout haut combien cela la contrarie. Autre exemple : un homme chargé de l’entretien dans un complexe sportif reçoit une mauvaise évaluation après sa période d’essai parce qu’il lit le Coran pendant les pauses. Il ne comprend pas : aux mêmes moments, les collègues feuillettent des magazines, ce qui ne pose pas de problème. Si un employeur accepte que ses collaborateurs se plongent dans une lecture distrayante pendant les pauses, il n’y a pas lieu de reprocher à qui que ce soit de lire le Coran. Dès l’instant où un supérieur hiérarchique interdit la prière, la lecture du Coran ou le port du foulard au travail, il faut savoir s’il en a informé son personnel, et s’il est possible d’en débattre. Imposer quoi que ce soit sans tolérer de discussion est contre-productif. Il est essentiel que les gens puissent exprimer leur avis, surtout face à des décisions négatives. Les gens sont disposés à accepter une interdiction pour autant que la procédure suivie soit correcte. Et puis, il y a ce témoignage d’un collaborateur des chemins de fer. Il s’étonne du recrutement d’un grand nombre de personnes d’origine étrangère dans les services techniques, mais de leur rareté dans des fonctions de conducteur ou de guichetier. C’est vraiment bizarre, d’autant plus qu’il y a pénurie de personnel dans ces deux dernières fonctions. Pourquoi une personne d’origine turque ne pourrait-elle pas contrôler des titres de transport ? S’il est vrai qu’une organisation décide délibérément de maintenir les allochtones en coulisse, je m’interroge quant à la valeur ajoutée de cette stratégie. Je ne vois pas en quoi certains groupes seraient plus performants dans des missions spécifiques. Les études psychologiques révèlent que les différences d’habileté et de capacité de réflexion entre différents groupes sont souvent plus réduites qu’entre les personnes elles-mêmes, au sein de ces groupes. Les schémas de réflexion biculturels des allochtones, fruits de leur présence dans deux mondes différents, constituent-ils une richesse, et dès lors une raison de les faire évoluer vers des fonctions de cadre ? Je ne suis pas sûr que ces schémas de réflexion biculturels soient pertinents à ce point. J’estime que les allochtones doivent pouvoir évoluer au sein d’une entreprise, mais surtout en raison de leurs compétences. Ne nous focalisons pas trop sur leur origine étrangère. Il faudrait avant tout que Alain Van Hiel Il est utile qu’un travailleur constate de ses propres yeux combien il évite les contacts avec des personnes d’autres origines. (…) Le réflexe de repli est pourtant facile à surmonter. les gens se voient proposer des opportunités équitables et que leur talent soit mis à profit de manière optimale. Nous n’aurions alors plus besoin de cette discrimination positive, à laquelle je ne crois pas trop, d’ailleurs. Comment les pouvoirs publics pourraient-ils contrer la discrimination ? En luttant contre la ségrégation et en mettant le multiculturalisme en œuvre plus activement. L’enseignement pourrait par exemple opter plus résolument pour des écoles à mixité sociale. Mais fondamentalement, l’initiative revient aux gens eux-mêmes. La meilleure façon de balayer les préjugés reste l’entame d’un dialogue. Beci a donc raison lorsque, dans son Livre blanc de la Diversité, elle plaide pour l’organisation de formations et séminaires sur le lieu de travail pour conscientiser le personnel à la diversité ? Absolument. Il est utile qu’un travailleur constate de ses propres yeux combien il évite les contacts avec des personnes d’autres origines, alors que les rencontres multiculturelles sont souvent enrichissantes. Le réflexe de repli est pourtant facile à surmonter. On y prête malheureusement peu d’attention. Les formations me semblent bien plus utiles que l’instauration de quotas. D’abord parce que la majorité n’aime pas ce genre de mesures, ce qui est un premier problème. Ensuite, parce que l’image des personnes qui en bénéficient s’en trouve affectée : ces personnes continuent de se percevoir comme membres d’une minorité, un statut auquel elles doivent leur emploi. Enfin, le système des quotas est trop facile : il décrète d’un coup de plume combien d’allochtones telle ou telle organisation engage. C’est une façon, pour les pouvoirs publics, d’échapper à leurs responsabilités. ● BECI - Bruxelles métropole - octobre 2016 31 © R.A.

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