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FOCUS pas oublier que l’électricité est un produit de première nécessité. Elle a donc un intérêt sociétal. Tout le monde n’a pas les moyens de devenir indépendant du réseau électrique. Si trop de gens vont dans ce sens, le coût du réseau électrique sera porté par les autres consommateurs. » Kevin Welch, Chief Strategy Officer chez Engie, envisage une approche plus globale : « Les consommateurs paieront l’accès au réseau et le décompte sur base de la consommation réelle disparaîtra. Afin de donner le plein potentiel aux solutions distribuées, il faudra permettre aux buildings d’appartements d'autogérer leur production et consommation. Le fait que chaque appartement dispose de son compteur limite le développement de solutions nouvelles. Le ‘netmetering’ – injection de son électricité sur le réseau – va donc être amené à disparaître. » Business to customer Dans ce contexte concurrentiel, les fournisseurs d’énergie tentent de se démarquer au maximum et vont au-delà de la simple mise à disposition d’énergie. Ils proposent de plus en plus de solutions technologiques adaptées à leurs clients. Par exemple, Engie, EDF Luminus et Lampiris offrent des thermostats intelligents. Chez Engie, le petit boîtier s’appelle Boxx. Celui-ci contrôle le chauffage mais offre aussi un aperçu en temps réel de la consommation électrique. Le système peut être couplé à des extensions, comme la lampe Philips Hue ou des prises intelligentes. Il est possible de le contrôler via une application mobile. Eneco propose l’installation de batteries Tesla Powerwall et de PV. L’offre comprend le couplage des deux systèmes et une gestion automatisée de la consommation électrique. Tous ces exemples confirment une tendance B2C assez nette dans le secteur, comme le souligne Raoul Nihart (Luminus) : « Nous avons adapté notre stratégie de développement à l’évolution du marché. Nous nous orientons de plus en plus vers un service personnalisé pour nos clients. Par exemple, avec notre filiale Dauvister, nous installons des panneaux photovoltaïques et assurons leur maintenance. Nous plaçons également des chaudières à condensation et offrons un service d’entretien à nos clients. » L’énergie 3.0 Le secteur de l’énergie est amené à intégrer de plus en plus les technologies de l’information et de la communication. Les compteurs intelligents – ou smart meters – ont fait leur apparition depuis quelques années. Ces petits appareils numériques transmettent des informations entre les installations électriques (ou au gaz) d’un bâtiment et le réseau. Ils permettent de fournir des relevés plus précis et réguliers. La facturation, basée sur des consommations réelles, écarte les erreurs de relevés manuels des compteurs analogiques. L’objectif écologique est clair : diminuer les consommations énergétiques et donc encore réduire les émissions de gaz à effet de serre. C’est précisément pour ces raisons qu’en 2009, une directive européenne prônait un déploiement des compteurs intelligents, avec un objectif de 80 % d’équipement d’ici 2020. En Italie, plus de 27 millions de compteurs d’électricité intelligents ont été placés. En Suède et en Finlande, presque tous les bâtiments en sont équipés. En France et Pays-Bas, des plans d’installation à grande échelle ont déjà commencé. En Belgique (comme en Allemagne), rien de concret n’est encore à l’ordre du jour. Les régions ont en effet émis quelques réserves. Elles ont évoqué notamment un coût trop élevé, une durée de vie trop limitée des compteurs et le problème de la confidentialité des données. Aucune décision officielle n’a donc été prise pour le moment. Par contre, le distributeur wallon Ores a annoncé en novembre dernier son intention de collaborer avec EDF afin de placer des smart meters un peu partout au sud du pays. Mais cette décision n’est pas du goût de Sibelga, comme le confiait Philippe Massart à L’Echo : « Tous les gestionnaires de réseau avaient entamé des discussions pour développer un cahier de charges commun et se mettre d’accord sur des normes et des fonctionnalités qui permettraient une interopérabilité entre les différents compteurs. Même si Ores a décidé de faire cavalier seul, nous prévoyons d’ailleurs toujours de lancer un marché public au printemps avec Eandis, Infrax et Resa. » Le netmetering – injection de son électricité sur le réseau – est amené à disparaître. Kevin Welch, Chief Strategy Officer chez Engie. Et pourtant, il semble que la tendance générale mène, via ces smart meters, à la mise en place de smart grids, des réseaux intelligents. Le développement de cette gigantesque toile interconnectée est motivé par plusieurs facteurs qui complexifient la gestion actuelle du réseau électrique. Raoul Nihart (Luminus) nous éclaire à ce sujet : « Tout d’abord, le développement d’énergies renouvelables, bien que très positif, rend l’équilibrage du réseau plus difficile de par leur caractère intermittent. Ensuite, la consommation électrique est amenée à augmenter, surtout dans les villes. La démographie ne cesse de croître et de nouvelles demandes en électricité se multiplient (climatisation, voitures électriques, pompes à chaleur…). Et enfin, il faut réaliser que jusqu’ici l’offre était simplement adaptée à la demande. Les smart meters permettront une gestion active de la demande en incitant les utilisateurs à déplacer leur consommation aux moments les plus opportuns. » Ainsi se dessineraient les traits de notre avenir énergétique. Tous les acteurs seraient en constante interaction, avec des objectifs écologiques et économiques clairs. Reste à voir si nos pouvoirs publics parviendront à s’entendre sur des stratégies à long terme. ● BECI - Bruxelles métropole - juin 2016 45 R.A.

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