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SALES & MARKETING Théorie des jeux, un guide d’action incontournable Bluff, coup de poker, partie d’échecs, va-tout… Le vocabulaire de la négociation emprunte souvent aux jeux de stratégie – dont elle partage aussi certains ressorts. La science économique en a même fait une théorie, qui doit permettre de mieux comprendre les comportements des négociateurs, donc de mieux négocier. YAB «D ois-je proposer ce prix dès le début des discussions ou tenter de l’amener progressivement ? », « À quel moment stopper la négociation ? »… Toute interaction entre deux personnes, a fortiori dans un cadre commercial, se base sur des projections quant au comportement qui sera adopté par l’autre partie. Dès lors que les relations ne sont pas formellement structurées, par un lien de hiérarchie ou une exigence légale par exemple, l’aléatoire et les ressorts psychologiques reprennent le pas et structurent toute négociation. D’autant que le comportement d’un agent est loin d’être strictement rationnel, d’où l’existence de la (très vaste) théorie des jeux : un ensemble de modèles qui doivent permettre de déterminer la stratégie optimale pour chaque agent de la situation et le type d’équilibre qui peut être obtenu. Appliquée dans de nombreux domaines, la théorie des jeux s’est particulièrement imposée dans les matières économiques, au point d’être directement liée à une petite dizaine de Prix Nobel d’économie. Reste que, si ces différents modèles peuvent servir de guides d’action, ils ne garantissent aucunement des résultats. À l’image du véritable jeu de poker auquel l’Europe a assisté à l’été 2015, entre le ministre grec des finances de l’époque, Yanis Varoufakis, et la Troïka, le FMI et les différents États européens. Une succession de coups d’éclats, de sorties médiatiques calculées, de bluffs supposés, de retours en arrière inopinés, le tout orchestré par un Varoufakis largement respecté pour ses compétences d’économiste… et officiellement expert en théorie des jeux ! Il n’empêche, les négociations n’ont finalement pas tourné à son avantage, loin s’en faut. Il faut dire que l’homme a délibérément écarté une stratégie pourtant basique dans le cas d’un jeu à plusieurs joueurs : la création d’alliances et la destruction des alliances adverses. 24 BECI - Bruxelles métropole - mars 2016 Tracer un terrain d’entente Sans entrer dans les détails des différents modèles exposés par la théorie des jeux, la discipline a ceci d’excellent pour toute négociation commerciale : elle impose de définir très clairement les enjeux, les intérêts, les atouts, les tabous de chacun. Une réflexion des plus salutaires pour tout qui s’engage dans une négociation commerciale, qu’elle s’annonce ardue ou non. « Quels sont mes objectifs et jusqu’où suisje prêt à aller pour les atteindre ? Quelles sont mes lignes rouges ? », et sans doute plus important encore, « Qu’en est-il des personnes en face de moi ? » Quels sont les leviers d’action de la partie adverse, son pouvoir de nuisance si la négociation échoue, son degré de connaissance de ma propre marge de manœuvre, etc. ? Surtout, les différents modèles de la théorie des jeux n’imposent aucunement de considérer la négociation comme un affrontement, mais incitent plutôt les agents à affiner au maximum leur compréhension des autres agents. De quoi, par exemple, passer au-dessus de blocages stricts pour privilégier un équilibre où les intérêts les plus importants sont rencontrés. Il s’agit également de mesurer l’intérêt d’une coopération face à une stratégie égoïste, notamment en fonction du type de « jeu » auquel on participe et les équilibres qui peuvent être atteints : si tout gain que j’enregistre se fait strictement aux dépens de l’autre agent (jeu à somme nulle) ou s’il est possible de perdre ou gagner ensemble. Généralement structurée autour d’exemples et de situations très concrètes, comme l’archi-connu « dilemme du prisonnier », sa connaissance peut fournir un véritable atout pour tout type de négociation. Ses applications dépassent d’ailleurs largement la négociation interpersonnelle mais permettent d’anticiper les stratégies que risquent d’appliquer certaines entreprises, tant pour ce qui concerne la fixation des prix que de la différenciation des produits, par exemple, en fonction des conditions de marché. ●

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