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SPEAKER’S LE MOIS ÉCONOMIQUE VIEUX PAYS CH. JEUNES PERS. DYNAM. Ce sont les petits-enfants des Pères de l’Europe qui sont à la barre. Et s’ils se secouaient les méninges ? Dans la « netocratie », le spleen économique doit céder la place à l’humain. | Jean Blavier Je me doute que vous êtes comme moi, mon facteur, mon pharmacien et ma belle-sœur : vivre en Europe, c’est vivre dans un État de droit et dans la prospérité. Ce constat posé, est-il vraiment si difficile que ça de comprendre que ça fasse envie ? Que l’Europe apparaisse pour ses voisins où la violence fait rage comme un havre de paix et de stabilité économique ? Churchill fut le premier à rêver des États-Unis d’Europe. Seul un continent unifié pouvait prévenir d’autres conflits, disait-il. Vous avez connu la guerre ? Non ? Moi non plus. Sicco Mansholt tenait un discours plus économique. Il avait connu la famine aux Pays-Bas au lendemain de la Seconde guerre mondiale. Vous avez connu la famine ? Non ? Moi non plus. Jean Monnet avait quitté l’école à 16 ans. Vous avez quitté l’école à 16 ans ? Non ? Moi non plus. Je crois que nous avons oublié d’où nous venons. Certains médias flamands ont eu la pertinence de rappeler que les Belges qui fuyaient l’avance allemande en 1914 butaient aux Pays-Bas sur des barbelés... électrifiés ! Il y a eu de nombreux morts. L’Europe a connu les affres de la guerre, plus que n’importe quel autre continent. Sa première réaction devrait être la générosité. Et après on verra. Le rapport avec l’actualité économique ? Mais il tombe sous le sens. Que fait-on dans une entreprise quand un événement imprévu surgit ? Réfugiés belges à Paris, 1940. On colmate et on raisonne après. Deuxième argument, venant tout droit celui-là d’Angela Merkel. Elle ne l’a pas dit comme ça, mais c’est tout comme : nous vieillissons, nous bedonnons et la génération montante a été élevée dans le coton. Nous avons besoin de gens dynamiques, vigoureux, prêts à prendre leur revanche sur la vie. Troisième argument : les pays qui réussissent le mieux sont des pays de grande immigration, ÉtatsUnis, Canada, Australie. Il y a 70 ans, nous avons fait la paix avec nos voisins alors que nous nous faisions mutuellement la guerre depuis Romulus Augustule, le dernier empereur romain d’Occident. Et nous ne comprenons pas que fuient ces hommes essoufflés, ces femmes qui baissent les yeux et ces enfants terrorisés ? Nos aînés doivent être rouges de honte, eux qui ont construit avec leurs souffrances le socle sur lequel nous avons établi notre bien-être. 1 Les Netocrates, Alexander Bard et Jan Söderqvist, Editions Leo Scheer, 2008, mais paru en suédois en 2000. 6 BECI - Bruxelles métropole - octobre 2015 Et si l’on parlait de la déflation, cette variante économique de l’essoufflement mental, le miroir de notre spleen économique ? Ne nous faisons pas d’illusion : la déflation, 1. nous sommes dedans et 2. nous n’en sortirons pas de sitôt. Aussi rageurs soient-ils, les coups de démarreur des banques centrales ne parviennent pas à relancer cette inflation que nous avons tant combattue à la sortie des Trente Glorieuses. Pourquoi ? Parce qu’une ère nouvelle s’ouvre. L’économie top-down, c’était hier. L’économie bottom-up, c’est demain. Les forces vives viennent d’en bas. Elles montent, elles montent et nous voyons émerger une « netocratie », une aristocratie du net, comme l’ont expliqué deux Suédois1 il y a... quinze ans déjà ! Le monde en guerre à nos frontières jette une lumière crue sur cette relance de l’ascenseur social dont nous avons tant besoin. Ça, Angela Merkel l’a bien compris. Et comme vous le savez, à la fin, ce sont toujours les Allemands qui gagnent. ● Il est temps que les économistes admettent ouvertement – ils le savent depuis longtemps – que la pauvreté et la guerre ne sont que de maléfiques prurits de l’inefficience économique. Il faut faire redémarrer l’ascenseur social à coups de sang neuf et de formations accélérées. Il y a 100.000 emplois disponibles en Belgique. C’est – toutes proportions gardées – le chiffre le plus élevé d’Europe. CORNER

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