MOBILITÉ & LOGISTIQUE Et si… Brussels Airport fermait ? Quelles seraient les conséquences, pour la ville de Bruxelles, d’une fermeture ou d’un déménagement de l’aéroport ? Nous avons invité des experts en économie, tourisme et politique européenne à réfléchir à la question. Peter Van Dyck F ranchement, nous avons été les premiers à envisager un article sur une hypothétique disparition de Brussels Airport. Et, coïncidence, la réalité nous a rattrapés quelques jours après l’élaboration du concept, lorsqu’une douzaine de comités d’action ont subitement exigé qu’un déménagement potentiel de l’aéroport fasse l’objet d’une étude. Outre un élargissement des activités de Charleroi et Liège, ces comités évoquent des sites alternatifs tels que Veltem, Beauvechain, Chièvres ou Eksaarde (en Flandre orientale)1 . « La fermeture de Brussels Airport serait une catastrophe absolue et ne me semble donc pas très réaliste », estime Alain Deneef, l’intendant de Brussels Metropolitan. « Sans doute existe-t-il d’autres sites envisageables mais notre pays ne parviendrait probablement pas à trouver les moyens financiers nécessaires à un déménagement de l’aéroport national. » L’imbroglio juridique M. Deneef admet que plusieurs facteurs menacent Brussels Airport. Les compagnies aériennes étrangères ne comprennent pas toujours les normes environnementales biscornues qui régissent les nuisances sonores. La Région de Bruxelles-Capitale inflige des amendes aux compagnies qui enfreignent ses normes de bruit, même lorsque la législation fédérale en la matière est respectée. À terme, l’imbroglio juridique pourrait inciter certaines compagnies aériennes à s’envoler vers d’autres aéroports, hors Belgique. Des restrictions légales sur le transport de fret réduiraient, elles aussi, les activités de Brussels Airport. Ce serait une fameuse tuile pour le développement de Bruxelles en tant 1 Selon le Livre blanc de l’initiative citoyenne Cœur de l’Europe, toutefois contesté par de nombreux experts. 40 BECI - Bruxelles métropole - septembre 2015 Alain Deneef (Brussels Metropolitan) que métropole économique, représentée par Brussels Metropolitan. « Les retombées seraient surtout désastreuses pour l’emploi », affirme Alain Deneef, « alors que 10.000 emplois supplémentaires pourraient être créés à l’aéroport dans la décennie à venir. » Bernés, les travailleurs peu qualifiés Dans l’éventualité où des aéroports essentiellement étrangers s’accapareraient les activités cargo de Brussels Airport, on pourrait oublier l’ambition de l’aéroport national d’employer davantage de Bruxellois. « Les chômeurs de Bruxelles seraient les premiers à profiter d’une expansion de Brussels Airport dans les 15 ans à venir », déclare Alain Deneef. « Pareil développement générerait de nombreux emplois pour des personnes peu qualifiées. Je trouverais totalement irresponsable de gâcher pareille opportunité. » Les comités d’action s’insurgent surtout contre les vols de nuit (et notamment l’activité cargo). Si cette activité est mise en péril, toute la logistique bruxelloise sera frappée en plein cœur, prévient M. Deneef. « Un pourcentage croissant de fret voyage dans les soutes des avions de ligne. C’est ce que l’on appelle le ‘belly freight’. Les compagnies aériennes ont besoin de ces cargaisons à bord de leurs vols de ligne pour préserver la rentabilité. Or, une activité cargo digne de ce nom est indispensable pour continuer à attirer le belly freight. Une limitation du transport de marchandises aurait tôt fait de convaincre les clients logistiques d’aller voir ailleurs. Ils veulent garder le choix entre les deux modes ; un choix qu’ils font en fonction des marchandises à transporter. Ils visent l’optimisation. » R.A.
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