L’Europe face à la dualité économie/vie privée D’un côté, il faut donner aux entreprises les moyens d’investir dans les smart data. Mais d’un autre côté, la protection de la vie privée doit être garantie. Deux aspects qui font partie des priorités de l’agenda des instances européennes. « Les inquiétudes des citoyens relatives à la protection de la vie privée constituent un des obstacles majeurs à la collecte de smart data, et donc au développement des smart cities. » Flemming Moos,Osborne Clarke, partner liées à l’attribution des allocations. Cela permet de savoir ce à quoi les citoyens ont réellement droit. C’est fort utile pour garantir une répartition équitable des budgets publics. » … et interconnectées Une grande partie du travail dans l’analyse des données est de pouvoir trouver des corrélations entre différents secteurs, comme le souligne Philippe Dubernard : « Par exemple, des données météo peuvent prédire des inondations. Ces données peuvent alors être intégrées dans le système de gestion de la circulation de la ville et prévoir des déviations. » Philippe Dubernard insiste sur le rôle joué par l’analyse des données dans la régulation et l’anticipation des besoins au sein d’une ville : « Dans un projet à Malte, nous avons travaillé sur la désalinisation de l’eau de mer. Ce genre d’opération requiert beaucoup d’électricité pour le pompage, la filtration et la distribution de l’eau. Le contrôle des données en temps réel a permis de réaliser qu’à certains moments, on utilisait trop d’énergie pour la gestion de l’eau, et qu’il y avait un manque d’électricité pour alimenter les habitations. Grâce aux données collectées, nous avons pu réguler l’utilisation de l’électricité entre les différents besoins. Les données de l’évolution démographique nous ont également permis d’anticiper les besoins en eau et en électricité de la ville, afin d’assurer une distribution aux meilleurs tarifs. » La protection de la vie privée freine-t-elle le business ? Dans ce contexte de dualité économie/vie privée (voir encadré), le bureau d’avocats et de conseil juridique Osborne Clarke (implanté à Bruxelles) est actif depuis plusieurs années dans la législation relative aux smart cities, comme l’explique Flemming Moos, partner chez Osborne Clarke : « Les sociétés font directement appel à nos services afin de mettre en place des stratégies de big data. Nous les conseillons sur la façon de récolter et d’utiliser les données personnelles, tout en respectant la loi. » L’entreprise a publié au début de l’année une vaste étude européenne sur la faisabilité des smart cities en Europe. Flemming Moos nous éclaire à ce sujet : « Les résultats montrent que les inquiétudes des citoyens relatives à la protection de la vie privée constituent un des obstacles majeurs à la collecte de smart data, Premièrement, la Commission Européenne a lancé un gros chantier : la mise en place d’un Marché Unique Numérique. Celui-ci repose sur 3 piliers : • Améliorer l’accès aux biens et services numériques dans toute l’Europe pour les consommateurs et les entreprises ; • Créer un environnement propice et des conditions de concurrence équitables pour le développement des réseaux et services numériques innovants ; • Maximiser le potentiel de croissance de l’économie numérique. Deuxièmement, l’Europe devrait finaliser d’ici la fin de l’année les nouvelles réglementations relatives à la protection des données à caractère personnel. La dernière directive est obsolète, puisqu’elle date de 1995. La version modifiée inclura, entre autres, les points suivants : • Un durcissement de la définition du consentement ; • Le droit à l’oubli : les utilisateurs pourront demander aux entreprises l’effacement de leurs données personnelles ; • Le droit à la portabilité : les utilisateurs auront la possibilité de transférer leurs données personnelles d’une entreprise à une autre. et donc au développement des smart cities. Par ailleurs, selon une enquête du Parlement Européen, seulement 51 % des villes européennes de plus de 100 000 habitants sont actuellement considérées comme des smart cities. La lenteur de ce développement vient d’un manque d’investissement économique, qui lui-même provient d’un défaut de demande de la part des consommateurs potentiels. Il faudrait donc mieux informer les citoyens sur les avantages des smart data. Par exemple, la médecine personnalisée est en plein essor et pourrait trouver des solutions dans le traitement des cancers grâce aux données collectées chez les patients. Une pleine compréhension des bénéfices de la collecte des données à caractère personnel devrait donc idéalement l’emporter sur les inquiétudes relatives à leur protection. » Si la législation s’adapte intelligemment, le business des smart data continuera son irrésistible ascension, sans préjudice pour la protection de la vie privée. n C’est grâce aux données – anonymisées – des téléphones portables qu’IBM a pu « cartographier » les flux de personnes à Mons 2015. 5 - RAPPORT D’ACTIVITÉ 2015 | BECI ©R.A.
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