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SPEAKER’S LE MOIS ÉCONOMIQUE IT’S GEOPOLITICS, STUPID! De la mode des « leaks » au Théâtre de la Toison d’or en passant par le prix du baril. | Jean Blavier On a coutume de dire : de quoi parlent deux économistes lorsqu’ils se rencontrent ? D’économie pardi ! En fait, ce n’est pas vrai. Enfin si... Sauf que tout le monde qui rencontre tout le monde ne fait plus que parler d’économie. Les questions d’argent ont toujours été au centre des préoccupations, des envolées comme des angoisses, de l’âme humaine, et ce de tout temps. Mais aujourd’hui, c’est l’économie qui a pris le dessus. Au journal de France 2 comme dans la presse popu. Et sur ce plan, janvier et février ont atteint un sommet. Les leaks se sont multipliés. Après les Wiki, voici les Lux et les Swiss, en attendant que la pandémie s’étende puisque, s’il faut en croire Edwy Plenel, le premier apôtre de Mediapart, la grande évasion fiscale se compte en milliers de milliards d’euros. Autant que le PIB cumulé des États-Unis et du Japon. Très très impressionnant, comme la hauteur de l’Everest, sauf que celle-là, on a des instruments pour la mesurer et qu’il y a même des illuminés qui ont été vérifier si c’était vrai. Pour la grande évasion fiscale par contre, personne n’a encore tenté l’exercice de vérification in situ : trop risqué. Ce ne sont pas les mannequins ou les joueurs de tennis qui sont dangereux, mais se mettre à dos certains chefs d’État, les trafiquants à grande échelle et la Cosa Nostra, c’est prendre un billet aller pour l’au-delà. On comprend que les plus téméraires hésitent. Je ne voudrais pas faire de mauvais esprit, mais si quelqu’un parmi vous parvient à expliquer pourquoi le prix du pétrole a baissé de 50 % en six mois alors que ni l’offre, ni la demande n’ont (quasi) bougé, je suis preneur d’une remise à niveau économique accélérée. Surtout quand on entend un expert réputé comme Etienne de Callataÿ (Banque Degroof) dire que « pour les mêmes raisons, le prix du baril aurait tout aussi bien pu monter ». Pour les mêmes raisons ? Quelles mêmes raisons ? It’s geopolitics, stupid! Le comble est que nous sommes nombreux à célébrer l’événement : wouaw, faire le plein de diesel à 1,115 € le litre, c’est... super ! Certes, mais c’était déjà le cas en 2009. Aurions-nous des trous de mémoire ? Le baril, à l’époque, était à 40 dollars (il est à 45 dollars à l’heure où j’écris ces lignes et, depuis, le dollar est devenu plus cher) avec, circonstance aggravante, le chœur antique des prévisionnistes qui l’avait annoncé quelques mois auparavant à 150 dollars, plus de trois fois plus. Par la suite, de fait, il a quasiment triplé de prix. Comment voulez-vous que quelqu’un de raisonnable fasse un plan d’affaires, établisse des perspectives ou un budget sur la base d’une matière première dont le prix se livre à de tels sauts d’antilope ? C’est pourtant notre lot à tous, mondialisation oblige. Tax shift ? La dernière pièce comique du Théâtre de la Toison d'Or pourrait s’appeler Tax Shift. Hélas, il n’est pas sûr que nous CORNER « Pour les mêmes raisons, le prix du baril aurait tout aussi bien pu monter. » riions (orthographe garantie) de bon cœur. Cette opération qui vise à réduire la pression fiscale sur le travail va probablement aller de pair avec une hausse de la TVA vu que personne ne se risquerait à taxer le capital, lequel aurait tôt fait de s’évanouir, leaks ou pas. Réduire la pression fiscale sur le travail et augmenter la TVA, c’est donner d’une main ce qu’on compte bien reprendre de l’autre. Non seulement nous avons des trous de mémoire, mais nous sommes collectivement d’une naïveté désolante. Pourquoi réduire la fiscalité sur le travail ? Parce qu’elle pèse trop lourd sur le portefeuille de M. Toutlemonde, eût répondu la Palice. Eh bien, pour une fois, il aurait eu tort. En fait, le seul intérêt de la mesure est la sauvegarde de la compétitivité des entreprises, donc l’allégement du coût brut du travail, pas de son revenu net. Bref, on ne va pas toucher un rond de plus mais on va payer son caddy plus cher au supermarché grâce à la hausse de la TVA. Drôle, non ? Allez, à vos porte-monnaie ! ● 4 BECI - Bruxelles métropole - mars 2015

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