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THINK TANK POUR OU CONTRE Les subsides aux entreprises ? Le Ministre bruxellois de l’Économie, Didier Gosuin, veut réformer les instruments régionaux d’aide économique. Sa ligne de conduite : « s’assurer que chaque euro dépensé le soit à bon escient ». Au fait, les entreprises ont-elles vraiment besoin de subsides ? Alain Boribon, consultant, Subsi-Conseils Dans un monde parfait, où le cadre légal et fiscal favoriserait l’entreprise, les subsides ne devraient pas exister. Aucun entrepreneur ne souhaite baser son business model là-dessus ! Mais le monde n’est pas parfait et les subsides ont donc leur utilité, surtout pour les PME et surtout dans certains domaines. Je pense notamment à l’innovation et à la R&D : c’est important, parce que les banques ne financent pas la R&D, qui est au cœur de la création de valeur. L’activité de Subsi-Conseil consiste à aider les entreprises à avoir accès aux subsides existants. En cinq ans, nous avons aidé plus de 800 d’entre elles, dont de nombreux commerces horeca. Parmi elles, je pense que deux seulement ont fait faillite, ce qui est extraordinairement peu et certainement lié à la subsidiation. Les aides permettent donc de créer et de pérenniser des emplois. Ensuite, notamment dans l’horeca, les subsides permettent de convaincre des entreprises de mettre « au clair » des activités qui étaient jusqu’alors souterraines. C’est positif et cela renforce l’économie bruxelloise. Enfin, c’est un levier politique, dans le sens où les entreprises ont souvent le sentiment d’être mal aimées des pouvoirs publics et que cela permet de montrer qu’on les aide. Il y a encore cinq ans, on ressentait cette volonté d’aider les entreprises. Aujourd’hui, malheureusement, elles ont plutôt l’impression d’avoir des bâtons dans les roues : des dossiers qui pourraient être financés ne le sont pas pour une seule pièce manquante, qu’on ne se donne pas la peine de demander – avec des conséquences parfois catastrophiques pour l’entreprise. En cas de refus, beaucoup d’entrepreneurs se découragent ; très peu prennent alors la peine de réintroduire un dossier. On comprend les contraintes budgétaires, et on ne demande pas une augmentation des subsides, mais il faudrait écouter davantage le terrain. Il y a un vrai problème d’accompagnement. Pourtant, il ne manque que très peu de choses pour être proactif et bienveillant. Au final, c’est de la plus-value et de l’emploi pour Bruxelles. Floriane de Kerchove, directrice d’Agoria Bruxelles Nous ne sommes pas opposés par principe à toute forme de subside, mais nous pensons que, dans une large mesure, il serait à la fois plus efficace et plus simple d’alléger la fiscalité sur les entreprises. Beaucoup de subsides présentent un effet d’aubaine : ils financent des investissements que l’entreprise aurait de toute façon consentis ; en d’autres mots, ils n’ont pas d’effet de levier pour l’activité économique. Par ailleurs, ils ne s’adressent qu’aux PME. Les grandes entreprises ne peuvent pas en bénéficier comme c’est le cas en Flandre et en Wallonie (pour des investissements stratégiques). Enfin, ils sont assez lourds à gérer et fortement conditionnés : il faut élaborer un dossier ; les délais d’octroi peuvent être longs ; il y a des justificatifs à fournir ensuite… Agir sur la fiscalité, à hauteur équivalente, serait beaucoup plus simple pour les entrepreneurs comme pour les pouvoirs publics. Il y a d’ailleurs un vrai déséquilibre à corriger, qui est défavorable à Bruxelles : la fiscalité des communes bruxelloises est en effet deux fois plus lourde que celle des communes voisines des deux Brabant – et cela explique en partie que certaines entreprises quittent Bruxelles pour la périphérie. À cet égard, les subsides n’ont probablement qu’un effet très limité : quand une entreprise choisit son lieu d’implantation, la fiscalité est un critère beaucoup plus important que les aides éventuelles qu’elle pourrait obtenir… Cependant, nous estimons que les subsides doivent être maintenus, voire développés, dans deux domaines. C’est d’une part l’innovation, parce qu’elle est liée à la prise de risque, qu’elle est le moteur de la croissance future et qu’il s’agit d’un enjeu stratégique au niveau bruxellois, au niveau belge et européen. D’autre part et pour des raisons similaires, ce sont les projets stratégiques liés à la formation. Là, il y a un véritable effet de levier qui justifie les aides. 10 BECI - Bruxelles métropole - avril 2015 Donnez-nous votre avis :

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