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Re-visitez Bruxelles Votre parcours est impressionnant, surtout pour un autodidacte ! Mes parents ont été des hippies. Toute ma jeunesse a été rythmée par The Doors, Janis Joplin, Jimi Hendrix et Led Zeppelin. Génial, mais mes parents avaient horreur de cuisiner. Jusqu’au moment où mon grand frère et moi en avons eu ras-le-bol des plats industriels et des hotdogs. Nous avons pris les choses en main. Mon frère avait 18 ans, j’en avais 10. Et nous nous sommes mis à expérimenter. Mon frère a trouvé un job dans un restaurant, puis je l’ai rejoint. Nous avons collaboré pendant huit ans. J’étais le plus jeune et donc le préposé aux corvées. ‘Alex, tu vas me peler des tomates pendant toute la journée.’ Et le lendemain, je coupais les tiges de feuilles d’épinard huit heures d’affilée. C’était dur, mais formateur. D’où venait votre enthousiasme ? La cuisine m’a sans doute gardé sur le droit chemin. Adolescent, je faisais l’école buissonnièr affaire à la police. La cuisine a donné un sens et une structure à ma vie. Je me suis progressivement attaché à ce métier et à sa créativité. Il est passionnant de travailler avec des produits qui changent au fil des saisons. Cela m’a toujours incité à ne pas me répéter. Je cherche à innover constamment, même si certaines recettes sont très demandées. Et puis, je privilégie la simplicité. Je ne veux pas transformer les ingrédients à l’excès. L’innovation, mais sans rejeter toute tradition… C’est vrai, même s’il y a des traditions que je rejette. En cuisine, je ne veux pas qu’on m’appelle chef. Je m’appelle Alex. J’ai vu dans ma carrière des chefs qui vous envoient des trucs à la tête, vous empoignent par le col et vous plaquent au mur. Ce n’est pas mon genre. Bien sûr, je fais remarquer leurs erreurs aux collaborateurs, sinon ils n’apprennent rien. Cela ne m’oblige pas à me comporter comme un abruti ! Le coronavirus a fait des ravages aux États-Unis. Quelle est la situation sur place ? J’ai de la famille dans tous les États-Unis : à New York, dans le New Jersey, à Kansas City, en Californie… Dans la région d’où je viens, à 25 km de la côte californienne, la situation est restée relativement paisible. À New York, en revanche, le chaos était total. Un jeune médecin de Detroit comparait la situation à un incendie quotidien. Il travaille aux urgences. Les innombrables nouveaux chômeurs n’ont plus accès au médecin. Alors, ils vont engorger les urgences. Et vous, comment gérez-vous le Covid-19 ? On en a vu d’autres, à Bruxelles, notamment avec les attentats en 2016. Mais nous n’étions pas préparés au Covid-19. Nous ne savons évidemment pas comment adapter notre façon de travailler. De combien faut-il espacer les tables ? Nous avons heureusement une salle spacieuse, mais les collègues qui ont des restaurants plus exigus s’arrachent les cheveux. Il est facile de se laisser aller à la négativité. J’ai aussi été très déprimé pendant les premières semaines du confinement, mais ce qui me console, c’est que nous sommes tous logés à la même enseigne, ce qui renforce l’esprit de communauté. Et puis, il y a la question du comportement en cuisine. Nous nous sommes toujours astreints à bien nous laver les mains et nous insistons encore davantage sur cet aspect. Nous allons porter des masques, mais pour mon personnel, la distanciation sociale un grand défi. Dois-je réduire l’équipe de moitié ? Peut-être qu’au cours d’une première phase de test, nous travaillerons avec un seul menu. Je ne m’attends pas à un déferlement de clients. Je suppose que nous devrons tout reconstruire lentement et prudemment. Le confinement vous a donné une idée : composer avec vos collègues Dennis Broeckx, de L’Épicerie du Cirque, et Glen Ramaekers d’Humphrey chez Pias, un box 3 Amigos chaque week-end, que des clients à Bruxelles et Anvers peuvent venir enlever ou se faire livrer. Nous choisissons un autre concept chaque semaine, dans un esprit rock-‘n-roll et ec un brin d’ironie. Le premier box proposait par exemple des ‘Fat Bart’s marinated chicken wings‘ – un clin d’œil au plat favori du bourgmestre anversois Bart De Wever – et une ‘Exit Trump BBQ sauce’. Nous nous disions, en réfléchissant, que les gens avaient besoin d’un peu d’humour en ces temps incertains. Nous y ajoutons même des suggestions de musique à écouter durant le repas. Tout cela est très ludique. ● Peter Van Dyck Bruxelles Métropole - juin 2020 ❙ 9

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