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ENTREPRENDRE Promouvoir la médiation Autre grand objectif : mieux faire connaître la médiation et encourager le recours à cette méthode de règlement des conflits. « Actuellement, en Belgique, il y a une véritable surconsommation du système judiciaire », explique-t-il. D’après une étude du Conseil de l’Europe, en 2014, il y avait en Belgique un peu moins de sept nouveaux dossiers par an pour cent habitants, contre moins de un au Luxembourg, un aux Pays-Bas, moins de deux en Allemagne et moins de trois en France. Le volume d’entrée des dossiers est énorme, tandis que le nombre de juges reste le même. Résultat, la durée de traitement des litiges est de plus en plus longue. La seule façon de raccourcir durablement les délais de traitement est donc de diminuer le nombre de dossiers entrants. L’introduction de la TVA sur les prestations d’avocats a d’ailleurs entraîné une diminution du nombre de dossiers entrants. « Toutefois, l’arriéré judiciaire ne doit pas être le moteur de la promotion de la médiation », commente Gérard Kuyper. Pour lui, l’élément phare à mettre en évidence, ce sont surtout les bénéfices que les citoyens et les entreprises peuvent tirer de la médiation. « Un procès, c’est lourd, long et compliqué. Cela mobilise de très gros moyens, il y a beaucoup d’enjeux et le résultat est toujours aléatoire. Le procès devrait donc être à la justice ce que l’opération chirurgicale est à la médecine : le dernier recours. » Gérard Kuyper poursuit en nous expliquant qu’il y a des conflits qu’un juge, avec la meilleure volonté du monde, ne pourra jamais résoudre de façon satisfaisante. Dans le cas d’un conflit de voisinage, par exemple, un des deux voisins sera forcément frustré et la mésentente perdurera au-delà du procès. C’est aussi valable pour les différends entre partenaires/associés d’une entreprise, pour les désaccords qui peuvent apparaître au moment des transmissions familiales ou encore pour les problèmes entre clients et fournisseurs. « Un conflit tient parfois à pas grand-chose. En médiation, les gens sont obligés de se parler, d’échanger. Cela permet de recréer du lien et de débloquer la situation d’une façon rapide et acceptable pour tous », assure-t-il. Prenons l’exemple d’une entreprise active sur le web, qui rencontre un problème avec un fournisseur à qui elle a acheté un logiciel. Le logiciel ne fonctionne pas et c’est toute l’entreprise qui est à l’arrêt. « Plutôt que de se lancer dans un procès long et coûteux, il est beaucoup plus pertinent d’opter pour la médiation et de trouver rapidement une solution. » Une nouvelle loi comme levier d’action Pour faire connaître et encourager le recours à la médiation, une nouvelle loi a été votée et entrera prochainement en vigueur. À partir du 1er Gérard Kuyper Le procès devrait donc être à la justice ce que l’opération chirurgicale est à la médecine : le dernier recours. proposent spontanément à leurs clients (PME ou services juridiques de plus grosses sociétés) d’avoir recours à la médiation. Enfin, avec la nouvelle loi, les personnes morales de droit public vont également pouvoir recourir à la médiation, ce qui n’était pas le cas auparavant. Cela permettra de proposer des mécanismes de médiation de manière beaucoup plus large. Gérard Kuyper estime que cette nouvelle loi peut vraiment changer la donne dans le recours à la médiation, dans l’implication des juges et dans le regard des citoyens. « L’action des juges va être déterminante. Si les juges – qui sont considérés comme des acteurs neutres et de confiance – se muent en prescripteurs de la médiation, cela encouragera le recours à celle-ci avec un effet boule de neige. » Plus il y aura de médiations réussies, plus les gens auront envie d’avoir recours à celle-ci. L’objectif final étant que la médiation devienne un mode de résolution comme une autre, et plus une méthode « alternative ». Un travail de sensibilisation devra aussi être fait au niveau des organisations représentatives et professionnelles, mais aussi auprès des entreprises et du grand public. « Il faut changer la mentalité et passer du ‘j’ai droit à’ à ‘j’ai besoin de’. Avec la médiation, on est dans la recherche de solutions et non dans le jugement. La logique est tout à fait différente, mais c’est une solution gagnante », conclut Gérard Kuyper. ● Info : www.bmediation.eu janvier 2019, les juges pourront jouer un rôle beaucoup plus actif dans la prescription de la médiation. Concrètement, s’il estime que l’affaire peut être résolue autrement que par un procès, le juge pourra dire aux parties de d’abord chercher d’autres moyens de résolution du conflit. Dès le 1er janvier 2019, les avocats auront par ailleurs l’obligation de proposer à leurs clients les diverses solutions existantes et non plus d’aller directement au tribunal. Actuellement, très peu d’avocats BECI - Bruxelles métropole - septembre 2018 65

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