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TOPIC Il est assez normal que l’intérêt particulier s’emploie à réfuter l’intérêt général si l’impact de celui-ci annihile tout ou partie de celui-là. Il est vrai aussi que le phénomène Nimby peut avoir tous les défauts qu’on lui prête. Même sous couvert d’une participation dynamique à la société, avec des citoyens éduqués et informés qui entendent prendre à bras le corps des enjeux locaux ou de société, il ne peut s’affranchir du soupçon de particularisme. Ne serait-ce que parce que ceux qui s’expriment possèdent les compétences culturelles qu’une majorité ne possède pas (et ont dès lors tendance à parler pour elle) et défendent des styles de vie auxquels d’autres n’aspirent pas. Car les activistes du bien commun défendent surtout cet intérêt général qu’ils aiment en particulier… Participation citoyenne ou abus de démocratie ? Bref, le phénomène est ambigu. Mais a-t-il l’ampleur qu’on lui prête ? Et qu’en sont les effets ? Dans le cas du RER cité plus haut, l’intérêt collectif l’a finalement emporté (et c’est, en fin de compte, la lenteur des procédures, nos absconses pudeurs linguistiques et le manque de budget – toutes responsabilités politiques – qui ont essentiellement plombé le dossier) et la loi règle la plupart des cas. Alors, présenter le Nimby comme une opposition systématique À Linkebeek, le chantier du RER est resté à l’arrêt plus de quatre ans suite à des recours de riverains. à la plupart des projets est peut-être abusif avec, à la clé, la tentation bien dans l’air du temps de viser à « (…) la réduction de la participation citoyenne et des consultations d’instances5 ». Réduire l’espace démocratique ne fera qu’accentuer le problème. Par contre, pédagogie et transparence amélioreraient certainement les choses. Le processus de création de notre fameux piétonnier, fait du prince, illustre a contrario combien la communication du politique est encore dans sa préhistoire et comme elle provoque le Nimby. ● « Le Nimby peut être un phénomène élitiste » Nous avions rencontré récemment Frédéric Dobruszkes, enseignant-chercheur à l’ULB, à propos du projet de métro nord, contre lequel des citoyens sont mobilisés. De quoi le Nimby est-il le signe ? A priori, d’une contradiction entre intérêts particuliers et collectifs, connotée négativement à l’encontre de ce qui est décrit comme intérêt particulier, ce qui s’explique par le fait qu’il s’agit d’une position inconfortable pour les divers décideurs car vécue comme une remise en cause d’un projet et/ou d’une autorité. Dans le cadre de la ville, rappelons que la possibilité de questionner les choix politiques et économiques est un acquis collectif des luttes urbaines, notamment contre la « bruxellisation ». Faut-il voir le phénomène Nimby comme un excès démocratique qui ferait trop facilement obstacle au changement ? Je pense qu’au-delà des actions concrètes – comme des recours – prises par certains groupes ou certaines personnes, le monde politique devrait réfléchir à ceux qui ne s’expriment pas. Si l’on prend la problématique des nuisances aériennes régulièrement débattues, par exemple, il est frappant de voir que certains groupes 1 RTL, 10 juillet 2013 2 environnement.wallonie.be 3 Le Soir du 20/04/2018, interview par Jurek Kuczkiewicz 4 Celles d’Aron Blair notamment, voir Libération, 27 novembre 2017 5 Inter-environnement, bulletin du 28juin 2017 à propos de la réforme du CoBat BECI - Bruxelles métropole - juin 2018 41 parviennent à communiquer intensément, tandis que d’autres, parmi les plus impactés, et qui peut-être subiront les conséquences de l’activisme des premiers, ne s’expriment pas du tout ! Je songe notamment à la zone canal. Par le fait de barrières sociales, économiques et culturelles, il y a un grand non-dit qui devrait être remarqué par le politique. Un autre exemple est celui du réaménagement de l’avenue Buyl visant à fluidifier le transport en commun : la voix Nimby du quartier a porté en faveur d’un compromis améliorant la situation mais pas autant qu’escompté ; mais qu’en est-il de la parole des usagers des trams et des bus ? Ils sont bien plus nombreux que les riverains et commerçants emmenés par un élu local. En ce sens, le phénomène Nimby peut être un phénomène élitiste qui marque ainsi sa limite. Le métro nord est un projet controversé et rien n’est plus incertain que son budget final. Cela peut-il justifier une opposition jusqu’au-boutiste ? Des espaces sont prévus pour que le citoyen exprime son avis, et même si cela est très imparfait eu égard à ce que j’ai dit précédemment, la décision doit in fine revenir au politique, même s’il faut bien admettre que la complexité du projet rend sans doute asymétrique le rapport de forces entre pouvoirs publics et habitants. © Reporters

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