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TOPIC Not In My Backyard ? GREEN « Pas de ça chez moi » traduit assez bien l’acronyme Nimby (« Not in my backyard ») et souligne l’aspect négatif d’une prise de position… qui ne l’est pas forcément. Didier Dekeyser C' était un titre parmi bien d’autres qui exprimaient une même stupéfaction générale: « Coup de massue pour le RER : un riverain de Linkebeek bloque tout le chantier (… ) Des milliers de navetteurs attendent la mise en place du RER 1 ». Soit le Nimby dans toute sa splendeur : un grand enjeu collectif contrarié par le minuscule grain de sable de l’intérêt individuel ! Voilà qui illustre bien la définition qu'on donne habituellement du phénomène. Environnement-Wallonie, par exemple, le décrit en ces termes : « Le phénomène Nimby est un conflit de proximité. Il est lié, d’une part, à la crainte de voir le cadre de vie se modifier (diminution de la qualité de vie, de la sécurité, de la valeur de ses biens immobiliers) et, d’autre part, à la défense des intérêts des particuliers, même si la politique générale du projet est acceptée (ce qui n’est pas une règle générale) (…) la population développe un sentiment de dépossession (…) perte de confiance de la population à l’égard des décideurs, politiques ou économiques et à l’égard des experts scientifiques2 ». Local, défiant envers toute expertise, égoïste : disant cela, a-t-on cerné le problème ou a-t-on dévalorisé une participation citoyenne ? Le phénomène Nimby est un conflit de proximité. Il est lié, d’une part, à la crainte de voir le cadre de vie se modifier et, d’autre part, à la défense des intérêts des particuliers, même si la politique générale du projet est acceptée. Le Nimby n’est pas exclusivement local. L’Europe n’est-elle pas en butte aujourd’hui à cette attitude problématique ? À propos de son pays, Robert Biedron, l’homme politique qui monte en Pologne, disait récemment : « Les Polonais sont réputés euro-enthousiastes. Mais lorsqu’on leur demande s’ils sont favorables à l’accueil des réfugiés, à l’adoption de l’euro, à une politique climatique commune, à l’union fiscale, ils ne s’avèrent pas différents de Marine Le Pen ou des autres populistes extrémistes3 ». La Hongrie sous Orban n’est pas en reste. Et que dire des pays du Nord qui versent une larme sur le sort des migrants tout en 40 BECI - Bruxelles métropole - juin 2018 exhortant les pays d’entrée à ne surtout pas les transférer chez eux ? Dire que le Nimby se base sur une défiance globale vis-àvis de l’économie, de la politique et de la science est plutôt un a priori à charge qu’un reflet de la réalité : des expertises scientifiques, économiques et politiques se trouvent presque toujours en première ligne des arguments des opposants. Dans l’affaire du glyphosate par exemple, ces opposants au produit réclamèrent que l’on produisit les études scientifiques que des firmes avaient tentés de décrédibiliser4 , puis ont ensuite bataillé ferme, avec force études scientifiques et économiques complémentaires. Intérêt privé vs intérêt général ? Le Nimby n’est pas foncièrement égoïste : les opposants au nucléaire ou aux OGM parlent plus des générations futures que d’eux-mêmes et évoquent d’ailleurs un « intérêt général » que, selon eux, les arguments des lobbyistes pro détournent à des fins économiques. L’ambiguïté de l’interprétation du concept ne se retrouve pas que dans sa définition : même compris dans le sens étroit où l’on veut le circonscrire, à savoir une opposition entre intérêt(s) personnel(s) étroit(s) de petits groupes et l’intérêt commun, mérite-t-il l’opprobre ? La question de l’intérêt général est souvent plus délicate qu’il n’y paraît. Lorsque, par exemple, un quartier s’insurge contre les nuisances d’une implantation commerciale dans son voisinage, s’oppose-t-il à l’intérêt général ou à un intérêt économique privé ? Et même si l’intérêt général, chanté sur l’air de la création d’emplois et de l’impact économique global, est recevable, est-il illégitime dans le chef de ce quartier de défendre la valeur de ses biens immobiliers ? © Thinsktock

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