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Thibauld Jongen THIBAULD JONGEN (SABCA) « Bruxelles devra prendre un tournant industriel important » Initiateur d’un remaniement managérial important au sein de son entreprise, le CEO de la Sabca estime que l’industrie bruxelloise devra évoluer si elle veut survivre au développement des entreprises de service. Bruxelles Métropole : Selon vous, n’est-il pas possible de concilier industrie et service dans la capitale ? Thibauld Jongen : C’est une question vaste et délicate. En tant que citoyen et en tant qu’ingénieur, je vois évidemment que, dans les pays développés, en particulier la Belgique, l’industrie manufacturière est en train de disparaître. Je pense qu’il est essentiel de garder des jobs à haut caractère industriel, bien qu’ici, à Bruxelles, comme dans le reste de la Belgique, le prix du travail soit assez élevé. Concilier industrie et service est pour moi une mission essentielle. Cela nous évitera d’acheter nos produits plus cher à l’étranger, et notamment en dehors de l’Union Européenne. Pour moi, c’est un challenge dont le succès passera par une plus grande partie d’automatisation, de digitalisation et de robotisation. Dans ces domaines, les entreprises et l’ingénierie belges peuvent réellement trouver leurs compétences. Nous avons un bel historique dans le domaine de l’innovation. Par contre, l’industrie d’assemblage pure ou à moindre valeur ajoutée sera de plus en plus difficile à maintenir. Nous devrons prendre un tournant industriel important. L’industrie bruxelloise et belge pourra continuer à offrir des produits manufacturés, mais les conditions de production seront différentes. Nous n’aurons plus de lignes de production comme aujourd’hui, où les ouvriers font un travail répétitif. Ces tâches seront sûrement automatisées ou délocalisées, là où la main d’œuvre coûte moins cher. Il faut donc que l’on se redéfinisse. L’automatisation ou la numérisation ne sontelles pas synonymes de moins d’emploi ? Certains disent que l’automatisation va supprimer des emplois, d’autres qu’elle va en créer de nouveaux, et je pense que les deux ont raison. On aura moins besoin 12 BECI - Bruxelles métropole - janvier 2018 d’opérateurs, et d’ouvriers qui font un travail répétitif, mais d’autant plus d’ingénieurs et de techniciens spécialisés, capables de réparer les robots et de les maintenir. Les institutions auront aussi leur rôle, qui est d’aider à cette transformation et de probablement redéployer un certain nombre de personne pour les requalifier dans d’autres types de métiers. Quel est l’état actuel des choses à Bruxelles ? Bruxelles possède un tissu de PME innovantes. Les entreprises bruxelloises sont capables d’offrir ces services de robotisation et de digitalisation. Les solutions sont de plus en plus prêtes, mais pas encore sur l’étagère. Il faut donc que les mentalités changent et que les industriels, comme Sabca, dégagent les moyens financiers et les moyens humains pour mettre ça en place. Cette transformation numérique, vous essayez donc de la mettre en œuvre chez vous ? C’est notre intention ; on a lancé un grand plan de transformation de Sabca. Nous sommes en perte depuis trois ans et nous avons de gros enjeux en termes de robustesse, de compétitivité et de profitabilité. Ma mission, pour l’instant, est donc de redresser la situation pour dégager des moyens et investir dans la transformation digitale. Comment Sabca fait-elle pour se redresser, dans un domaine très compétitif où l’innovation est primordiale ? Nous nous basons sur la motivation et la compétence du personnel. Sabca est l’une des plus vieilles entreprises aéronautiques n’ayant pas changé de nom en Belgique, et la deuxième la plus vieille du monde après Boeing. Nous allons d’ailleurs fêter notre centenaire dans trois ans. Ce qui veut dire que nous avons dû pasInterview par Victor Lepoutre © Sabca

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