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TOPIC la Fondation pour l’Enseignement Olivier Remels, qui a dirigé le groupe de travail sur le qualifiant. « Des contrats d’objectifs seront ensuite passés avec l’autorité publique pour répondre des difficultés réelles dans une logique de responsabilité et d’autonomie des écoles. La reddition de comptes concerne avant tout le collectif. Les retombées inévitables sur l’évaluation individuelle sont essentiellement formatives. Les sanctions sont invoquées dans des cas extrêmes et des recours sont possibles. » Nerf de la guerre : l’allongement du tronc commun Le MR en a fait son cheval de bataille dans la crise politique. Son utilité est lourdement interrogée aux noms de ceux qui font tôt le choix d’aller vers un métier et qui seront amenés à décrocher. Mais c’est là quelque peu désavouer la relégation qui prévaut. Karim Djaroud présume de l’objectif caché de remonter le classement Pisa, qu’il conçoit comme une mesure, sur base de compétences, de l’employabilité des jeunes de 15 ans. « Le pacte prévoit d’opérer un rééquilibrage entre les connaissances et l’approche par compétences », rapporte Olivier Remels, et les connaissances ne sont pas en reste. « L’ascenseur social est en panne. Les résultats scolaires sont fortement corrélés à l’indice socio-économique des élèves. Il faut mieux asseoir les connaissances chez tous les jeunes, pour leur donner la capacité d’apprendre à apprendre tout au long de la vie. » Olivier Remels (Fondation pour l’Enseignement) Les acteurs du pacte ont estimé que les pays dotés d’un tronc commun plus long y arrivent mieux. À voir si une inflexion est envisageable sur ce point emblématique et si l’encadrement mis en œuvre pour prévenir le redoublement suffirait à rehausser le niveau. « Un processus de remédiation sera déployé, à l’intérieur et en marge du temps scolaire, pour dépasser les problèmes avant d’arriver à un constat d’échec », précise-t-il encore. Ce choix de l’excellence pourrait plaire au philosophe et politologue Vincent de Coorebyter, qui s’est ouvertement prononcé sur l’importance de conjurer le déficit des connaissances de base en français et mathématiques. Le manque d’exigence, de rigueur dans la méthode et de courage dans les évaluations est, selon lui, à imputer aux directives incitant les enseignants à se détourner du rabâchage des règles, au bénéfice d’une approche ludique usant à l’envi de « trucs ». S’il doit être éloigné des socles fondamentaux et son usage revu, l’enseignement inductif est un enjeu d’avenir face à la digitalisation des connaissances et l’automatisation des tâches, selon la prospective de Bruno Colmant : BECI - Bruxelles métropole - septembre 2017 41 « Le vieux privilège du professeur conservateur de la connaissance est révolu. Dans les pays catholiques, où l’enseignement est déductif, on s’obstine à apprendre des syllabi par cœur. On part de grands principes et on les applique à répétition. Dans les pays protestants, il est inductif. On s’accommode de la réalité et on repense le modèle chaque jour. C’est plus adaptatif, malléable, et cela crée des sociétés plus à même de déposer le changement. » Bruno Colmant Du nécessaire rapprochement de l’entreprise Tous s’accordent sur la revalorisation du qualifiant. « En Allemagne et aux Pays-Bas, il y a plus de mobilité sociale que dans les sociétés catholiques, assez cloisonnées », observe Bruno Colmant. « Le système allemand, plus décomplexé, n’ostracise pas la filière professionnalisante et il y a une dilution de l’enseignement sur toute la carrière. » Un pont est jeté, avec l’insertion de l’éveil aux métiers et de l’esprit d’entreprendre dans le tronc commun. Par contre, d’après Karim Djaroud, le pacte creuse la distance entre le qualifiant et le supérieur : « Les élèves du général et du professionnel vont s’y retrouver, mais pas ceux du technique ». Les cours généraux allégés se dissolvent en effet dans la fusion des filières techniques et professionnelles, mettant à mal la confiance nécessaire à envisager une 7e année optionnelle, passerelle vers les graduats techniques. « Les élèves qui sortiront du futur tronc commun ne seront plus les mêmes », nuance quelque peu Olivier Remels. Le rapprochement des entreprises est vu d’un bon œil, notamment pour soigner l’offre de stages et booster l’accès aux technologies. La rationalisation des filières, selon la répartition géographique et les débouchés, s’accompagne d’une simple réserve si elle venait à détrôner la primauté de la mission éducative. La réduction du qualifiant de 4 à 3 ans fait même craindre un report de formation sur les entreprises. « Aujourd’hui, les métiers sont en réalité souvent vus en 5e et 6e, car beaucoup d’élèves bifurquent en cours de parcours, après avoir cherché leur voie en 3e , voire en 4 », remarque Olivier Remels. Pour instituer un choix positif, le pacte prévoit de mieux informer les familles et d’aider les élèves à élaborer leurs projets de vie. Reste à « adapter les contenus avec l’évolution des métiers », conclut Olivier Remels. Si tirer à boulets rouges sur le pacte risquerait de déstabiliser l’ensemble, des critiques constructives pourraient encore dissiper les « flous » et infléchir les équilibres. ● D.R. © Reporters

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