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TOPIC que la concertation avec le médecin du travail et le travailleur. Le médecin du travail a des critères précis pour évaluer si le travailleur peut être réintégré au sein de son entreprise. Il va également aider l’employeur dans la rédaction de son plan. Il écoutera le travailleur, analysera son environnement de travail. Le médecin-conseil de la mutuelle est tenu au courant de la procédure. Si la réintégration s’avère impossible, l’employeur devra justifier cette impossibilité. Aspect important : c’est le travailleur qui a le dernier mot. S’il s’oppose au plan de réintégration proposé, le processus s’arrête. La question des sanctions a suscité des controverses, jusqu’au sein du gouvernement. Sophie Stenuit, avocate spécialisée en droit du travail : « Il faut bien voir que pour l’employeur, cette mesure représente une contrainte en moyens et en temps. C’est beaucoup de tracasseries. Et d’un strict point de vue financier, il n’a rien à gagner à réintégrer un travailleur payé sur la mutuelle. Pour être efficace, la loi doit être assortie d’incitants et de sanctions. » Finalement, le gouvernement a tranché : l’employeur qui a négligé le plan de réintégration se verra infliger une amende forfaitaire de 800 euros. Quant au travailleur qui refuse manifestement de coopérer, il risque une diminution de 5 à 10 % du montant de ses indemnités pendant un mois. Bruno Deblander, porte-parole de Solidaris, s’insurge contre ce qu’il considère comme une stigmatisation des malades : « Nous avons toujours été opposés au principe de responsabilisation financière des malades de longue durée. Nos études auprès de nos affiliés le prouvent, les gens ont de bonnes raisons d’être en incapacité de travail longue durée. Ces mesures rendent les travailleurs coupables d’être malades.» Une source de litiges Depuis plus de vingt ans déjà, il est possible de réintégrer les malades par le biais d’un travail adapté. Mais cette réintégration n’a jamais fonctionné. La nouvelle loi a au moins le mérite d’essayer autre chose. « C’est un sujet très important », ajoute Catherine Legardien. « Pour beaucoup d’employeurs, cette loi est un soulagement, peut-être l’opportunité de solutionner un problème bloqué depuis des années. Pour d’autres, ce sera au contraire une mesure qui va rendre les choses plus difficiles. » En effet, la nouvelle loi néglige quelques aspects potentiellement litigieux. D’abord, elle est difficilement applicable aux PME. Sophie Sténuit : « La loi ne fait pas la différence entre une entreprise de 10 salariés et une autre de 500. C’est irréaliste. ». Catherine Legardien : « L’employeur peut être libéré de l’obligation d’élaborer un plan de réintégration en cas d’impossibilité pour raisons d’organisation dûment justifiées. Les PME vont plus souvent utiliser cette clause. » Prenons l’exemple d’un patron de PME qui doit produire un trajet de réintégration pour un travailleur, à Bruno Deblander (Solidaris) un autre poste que celui de son contrat. Mais ce poste est déjà occupé par un autre collaborateur. Cette concurrence peut être une source de tensions internes. Autre problème, les médecins du travail. Qui va payer ? Sophie Sténuit : « Les prestations médicales sont normalement codifiées. Rien de ce genre n’est prévu dans l’arrêté royal. La tâche du médecin du travail dans un trajet de réintégration est considérable. Et on ne sait pas comment il sera rémunéré. » Sophie Sténuit (cabinet Younity) Enfin, la loi est trop restrictive. Prenons l’exemple de cette infirmière : suite à des problèmes de dos, elle ne peut plus exercer debout. Elle est mutée dans un département administratif de l’hôpital. Hélas, suite à une réorganisation, ce département fermera dans deux ans. Comme elle n’est pas en incapacité longue durée, notre infirmière n’aura pourtant pas droit à un trajet de réintégration. C’est absurde. Un encouragement au dialogue « L’objectif du gouvernement est clair, il s’agit de limiter le nombre de travailleurs payés sur la mutuelle », explique Sophie Sténuit, avocate au cabinet Younity. Bruno Deblander va plus loin : « La logique de cet accord est avant tout budgétaire, ne prenant nullement en compte la prévention, notamment de toutes les maladies liées à la santé mentale, telles que le burn-out. » D’autres y voient une nouvelle manière de gérer les relations humaines. Catherine Legardien: « Cette loi conscientise les employeurs sur la nécessité de réintégrer les absents de longue durée. Elle va inciter les employeurs à garder le contact avec leurs travailleurs malades et à tout faire pour leur trouver un travail adapté dans l’entreprise. » Les allocations maladie coûtent 5 milliards d’euros à la sécurité sociale. Un montant qui a doublé en 8 ans. Et en 2016, les dépenses de l’Inami liées à l’incapacité de travail ont dépassé celles de l’Onem pour le chômage… Le vieillissement de la population explique en partie ce phénomène : les plus âgés sont les malades de longue durée les plus nombreux et les restrictions liées à la prépension aggravent le phénomène. Mais de nombreux experts pointent le stress chronique comme facteur déterminant de maladie longue durée. Sur la période 2013-2015, les plaintes liées au stress ont augmenté de 30 %. Pour les entreprises, on estime le coût annuel en Belgique à plus de 10 milliards d’euros : salaire du premier mois garanti, réorganisation, remplacements temporaires, etc. Sans compter le risque réel de contagion souvent constaté en cas de burn-out. On ne pouvait plus rester les bras croisés… à longue durée. ● 29

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