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ENTREPRENDRE litique en matière de TVA, par exemple, est très dure, en termes de modalités de paiement, de majorations ou d’étalements. Elle n’est pas faite pour aider les entreprises en difficulté. D’un autre côté, une région comme Bruxelles-Capitale dépense 900.000 euros dans des mesures d’aide aux entreprises. Quelles que soient les formules prises dans l’avenir, il est important d’éviter les mesures-sparadrap et de reprendre les problèmes au cœur : le monde bouge, il faut s’adapter ; les financeurs sont différents d’hier, il faut l’accepter ; l’image de la Région est en difficulté, il faut s’y faire. Les autorités doivent aider les entrepreneurs à prendre conscience de ces évolutions de fond. Donner de l’argent public, par exemple, sans soigner le mal ne sert à rien. Eric Van den Broele : C’est à Bruxelles qu’il y a le noyau le plus important d’entreprises en difficultés structurelles. En cas de choc – les attentats –, l’effet y est démultiplié. Comme le dit Olivier Kahn, les mesures bruxelloises ressemblent à des bouées de sauvetage destinées à des entrepreneurs ayant déjà franchi le seuil fatidique. Elles arrivent trop tard. Prévenir, c’est guérir Que faudrait-il faire à l’avenir ? Tous deux, en chœur : Améliorer la prévention ! Eric Van den Broele : En Belgique, 20 à 60.000 entreprises peuvent être considérées « en difficulté ». Sur l’ensemble de l’année 2016, il faut s’attendre à 12.000 faillites mais seules 600 à 700 sociétés bénéficient des mesures d’assistance décrétées par les tribunaux du commerce (les fameuses PRJ – Procédures en réorganisation judiciaire). Il s’agit de cacahuètes en comparaison aux besoins réels des entrepreneurs qui attendent une aide structurelle. Le problème est là : dans cette « zone orange ». C’est là que les pouvoirs publics devraient intervenir. Auprès des entreprises qui évoluent vers la difficulté. Mais les tribunaux du commerce n’y arrivent pas. Les uns ont l’ambition de nettoyer l’économie ; les autres proposent des mesures trop tardives. Miguel Van Keirsbilck : Oui. Nous déplorons le manque d’effectifs dédiés à la prévention, notamment dans les tribunaux du commerce à Bruxelles. Il faut repérer au plus vite ces signaux orange. Olivier Kahn : Cela dit, si les gens n’ont pas envie de réagir, on peut prendre toutes les mesures qu’on veut… Au Centre pour entreprises en difficulté, on a actuellement une moyenne de six appels par jour. En été, il y en avait un seul, au maximum. C’est révélateur d’un manque d’anticipation des phases difficiles. Pour moi, ce n’est pas un problème de formation. Mais plutôt un souci de sensibilisation, au point de départ, et un manque d’accompagnement. Quand j’analyse des budgets, je regarde toujours le poste des « honoraires ». Très souvent, il n’y est prévu que ceux destinés aux comptables. Rien en termes d’informatique ou de coaching, par exemple. À Bruxelles, l’horeca a payé le plus lourd tribut aux suites du « lockdown », des attentats et des multiples problèmes de mobilité. Le rôle des comptables Les comptables tardent à pointer les difficultés ? Olivier Kahn : Quel entrepreneur est réellement conscientisé aux vertus d’un check-up trimestriel, par exemple ? Les comptables sont les mieux placés pour anticiper les difficultés. Or, selon mes estimations, seuls 20 à 30 % d’entre eux présentent à leurs clients un état complet de la situation, au mois d’octobre. Miguel Van Keirsbilck : Les comptables sont le plus souvent conscients de l’importance de cette dimension de guidance. Mais ils manquent cruellement de temps et, dans les faits, se limitent trop souvent à la tenue de la comptabilité. Eric Van den Broele : Il faudrait combiner un dépistage individuel, comme on le fait pour prévenir le cancer, et scanner les populations à risque. Dans nos études, chez Graydon, nous observons l’angoisse des gestionnaires qui se sentent évoluer vers les difficultés. Ils oublient de développer leur networking social. Ils négligent la recherche de partenariats ou l’innovation. Ils n’assistent plus à aucune réunion extérieure. Ils se centrent exclusivement sur leur entreprise. Travaillant à fond, mais en s’isolant. C’est un cercle vicieux. Ils ont besoin d’être suivis et encadrés. Anticiper : IZEO en chien de garde Au nom des indépendants et des PME, IZEO avait tiré très tôt la sonnette d’alarme. Les problèmes de mobilité, les attentats étaient restés sans impact sur les faillites, mais c’était un leurre. Nos solutions ? 1. Eviter qu’en termes de TVA, d’ONSS ou d’ISOC, l’intransigeance des pouvoirs publics fédéraux ne neutralise les aides (régionales) aux entreprises en difficulté. Tant en termes de délais de paiements que de sanctions liées aux retards. 2. Améliorer tous azimuts la prévention. Via un arsenal de mesures structurelles : dépistage accru au sein des tribunaux du commerce, promotion du checkup trimestriel, responsabilisation des professionnels du chiffre, accompagnement des dirigeants de PME. Toutes ces entreprises qui défaillent, c’est aussi une faillite des administrations concernées. ● Info : www.izeo.be. BECI - Bruxelles métropole - décembre 2016 37 © Reporters

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