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Faut-il des quotas de femmes dans les CA ? Loubna Azghoud, gestionnaire de l’Entrepreneuriat féminin au sein d’Impulse : « Avant la loi de 2011, on comptait 10 % de femmes dans les CA en Belgique. Aujourd’hui, nous dépassons les 22 %. La France et la Norvège ont connu une croissance semblable. Le point commun entre ces trois pays ? Ils ont adopté une loi sur les quotas. C’est bien la preuve que cette loi est utile, bien que l’on observe encore des inégalités selon les secteurs d’activité. Croire que la parité de genre dans le monde professionnel se fera par autorégulation est une utopie. D’après le ‘Global Gender Gap Report 2015’ du World Economic Forum, il faudrait attendre 117 ans pour que cela se fasse naturellement. » « Je crois qu’il est plus que temps de prendre les mesures nécessaires à l’inclusion des femmes à tous les niveaux de responsabilités. Des études démontrent que les équipes mixtes sont plus innovantes, plus performantes et stimulent donc la compétitivité. Cette ‘contrainte’ de quotas est un passage obligé pour changer les mentalités, tant chez les hommes que chez les femmes. Aux premiers, elle offre l’opportunité de recruter en dehors de leur réseau habituel et de ne pas se priver des talents de plus de 50 % de la population. Pour les deuxièmes, cela permet d’acquérir une expertise, de devenir des ‘roles models’ et donc de susciter de l’ambition chez d’autres femmes. » Hnia Ben Salah, Business Development Manager chez Guberna, l’Institut des Administrateurs : « Le problème le plus important est celui de la compétence. Il ne faudrait pas que, pour la seule raison du genre, les entreprises choisissent des femmes pour siéger dans les CA. La loi sur les quotas trouve aussi son sens via un accompagnement et des initiatives de sensibilisation. Par les entreprises elles-mêmes mais aussi par des instituts et des organisations spécialisés. » « Car la loi n’est pas le seul moyen de développer la diversité. Celle-ci doit être une dimension culturelle, cultivée au sein même de l’entreprise. Le CA peut donner l’exemple. Les entreprises membres de Guberna, cotées ou non, sont ouvertes à cette diversité et l’affichent clairement en prenant des initiatives lors du recrutement d’administrateurs. Il y a bien sûr quelques résistances car le monde économique la rentabilité financière, des résultats d’exploitation et de la croissance boursière. Selon une étude du Crédit Suisse Research Institute, la diversité de genre aux postes de direction améliore le rendement des entreprises. Par exemple, entre début 2012 et juin 2014, les entreprises dont la capitalisation boursière dépassait 10 milliards de dollars et qui comptaient au moins une femme au sein du CA ont enregistré une surperformance de 5 %, indépendamment du secteur d’activité. En incluant les entreprises ne peut pas être bouleversé du jour au lendemain. L’intérêt de la loi réside dans le fait qu’elle offre un cadre clair. Mais il faut se méfier d’un effet pervers d’une telle réglementation : on a pu voir dans les pays nordiques des entreprises quitter volontairement la bourse afin d’échapper à la loi. » Marleen Boen, CEO de Coaching Square : « Bien que cette loi soit positive pour la diversité, une dérive possible me fait relativement peur. Que les femmes soient choisies volontairement pour un déficit de compétences personnelles. Car cela permettrait aux hommes de maintenir leur pouvoir malgré le quota. On le voit clairement dans le secteur pharmaceutique. Les délégués commerciaux sont presque toujours des femmes, alors que les postes de sales managers sont réservés aux hommes. » « Les hommes qui sont en défaveur de la présence de femmes dans les CA, je les invite à observer la part de femme qui est eux. Et a contrario, à découvrir la part de masculinité chez les femmes. Il est vrai que les femmes ont pris l’habitude de développer aussi leur intelligence émotionnelle, familiale, physique, sociale ou relationnelle. Cette dimension holistique est importante car on travaille toujours avec des êtres humains. Les seules compétences rationnelles ne suffisent pas à développer les entreprises. Je suis favorable aux quotas, mais il faut surtout comprendre que les hommes et les femmes sont complémentaires. » +5% Entre début 2012 et juin 2014, les entreprises dont la capitalisation boursière dépassait 10 milliards de dollars et qui comptaient au moins une femme au sein du CA ont enregistré une surperformance de 5 %. dont la capitalisation boursière était inférieure à 10 milliards de dollars, la surperformance annuelle était d’environ 2,5 %. La mixité est une condition nécessaire de diversité. Celle-ci s’impose dans la nature comme essentielle pour l’équilibre et la survie des écosystèmes. Cette évidence, une bonne partie de l’humanité a cru pouvoir l’occulter pendant près de 2000 ans. Et bien sûr, la diversité est également source de résilience pour les entreprises. Alors, es-tu prêt, cher Homo Sapiens, à devenir enfin raisonnable ? ● BECI - Bruxelles métropole - octobre 2016 19

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