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ENTREPRENDRE TRANSITION La recette du plastique aux champignons Après le lancement réussi de Permafungi, qui commercialise des packs pour la culture de pleurotes dans une logique circulaire, les champignons font encore parler d’eux à Bruxelles : ils pourraient lancer la révolution du casque de vélo 100 % biosourcé ! Johan Debière et Laura Rebreanu L e plastique a changé nos vies et fait aujourd’hui partie de notre quotidien : emballages, bâtiments, électronique, voitures, vêtements… Mais en fin de vie, il aboutit souvent dans la nature, où sa qualité principale, sa persistance, devient un problème environnemental majeur : il peut perdurer durant des dizaines, voire des centaines d’années – et polluer les océans, intoxiquer les oiseaux et les animaux terrestres… Tri et recyclage apportent une partie de la solution, ainsi que la réduction des emballages, le développement de nouveaux plastiques biodégradables, mais aussi de plastiques « biosourcés », à base d’amidon de maïs, de pomme de terre, de betterave... S’inspirant de la nature, des chercheurs et entrepreneurs ont commencé à s’intéresser aux champignons pour trouver un substitut au plastique, tout aussi polyvalent mais biodégradable et produit à partir de déchets. C’est le mycélium, ou « blanc de champignon » (les filaments qui lui permettent de se développer), qui suscite ici l’intérêt : il peut entrer dans des matériaux composites ou être utilisé seul. En fonction des autres ingrédients, il permet d’obtenir des matériaux plus ou moins souples, résistants au feu, imperméables… Incroyable ? Le designer hollandais Eric Klarenbeek a développé la Mycellium Chair, utilisant un mélange de bois récupéré, de bioplastique local et de mycélium, ainsi qu’une imprimante 3D ! Son projet tient plutôt de la « performance » que d’un produit commercialisable, mais les « plastiques de champignon » commencent bel et bien à trouver leur usage. Ecovative, une société new-yorkaise, les utilise pour fabriquer des emballages. Elle cultive des champignons à partir de déchets agricoles, dans des moules dont ils prennent la forme. Le produit ressemble en tous points à une mousse de polystyrène. Dell l’a déjà adoptée pour le conditionnement de ses ordinateurs aux États-Unis, et Ikea s’y intéresse. Le groupe PSA Peugeot-Citroën a lui aussi commencé à intégrer des matériaux biosourcés. Par exemple, les coques de sièges de la Citroën DS5 sont en polypropylène chargé de fibre de lin – outre l’utilisation de plastiques recyclés dans différentes pièces. Un casque de vélo alternatif Et à Bruxelles ? Une jeune entrepreneuse, Elise Elsacker, a décidé voici quelques années, par défi mais surtout par conviction, de vivre autant que faire se peut sans plastiques. Les enseignements qu'elle a tirés de cette aventure, elle 40 BECI - Bruxelles métropole - mai 2016 La « Mycellium Chair » d’Eric Klarenbeek. les a consignés sur son site, www.plasticless.be. Son projet Magma Nova, « studio de design et de recherche amené à concevoir des vêtements urbains utilisant des micro-organismes et des biomatériaux », a décroché le premier prix du Startup Weekend Changemakers, dont la première édition bruxelloise s’est déroulée en novembre dernier à la Vlerick Business School. Ce premier succès l’a poussée à transformer son idée en un projet de start-up, avec l’aide de quelques spécialistes : « Les ingénieurs Gaëlle et Sven (ce dernier présentant l'avantage de travailler pour une entreprise d'impression 3D), Sanja (pour la partie politiques publiques), Iris (Business Manager), Céline (ingénieur en matériaux, forte d'une thèse écrite sur les bio-matériaux) », écrit-elle sur son blog. Après une bonne cinquantaine d'heures à affiner son idée, dégager des pistes de développement et de financement, Elise cernait encore mieux son projet : un casque de vélo produit à partir d'un champignon comme alternative au polystyrène. Un produit biodégradable, qui serait plus solide que le béton et meilleur marché que le plastique ! « Les champignons sont les plus grands transformateurs de la planète. Ils sont les recycleurs originels. Vous n'avez pas besoin de combustibles fossiles ou de sources alimentaires pour les produire », expliquait-elle déjà au jury du Startup Weekend. Pour l’heure, ce n’est encore qu’un projet, mais il pourrait bien devenir le premier objet « made of mushrooms in Brussels »… ● Info : http://magmanova.com ; www.plasticless.be ; www.ecovativedesign.com R.A.

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