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THINK TANK POUR OU CONTRE La motivation du licenciement ? Depuis quelques mois, les employeurs ont l’obligation de motiver le licenciement d’un travailleur (aux termes de la CCT n°109). Certains y voient une mesure de protection supplémentaire pour les travailleurs, d’autres un nouvel alourdissement dans la gestion du personnel. Deux interlocuteurs, deux points de vue. Gaëlle Hoogsteyn Phillippe Van Muylder, Secrétaire Général de la FGTB Bruxelles Introduire une CCT relative à la motivation du licenciement était nécessaire, au sens où divers instruments juridiques (européens ou internationaux) commandaient d’inscrire ce principe dans le droit belge : je pense à la convention 158 de l’OIT, à la Charte sociale européenne ou encore à la Charte des droits fondamentaux de l’Union. Rappelons-nous qu’avant cette CCT, il était parfaitement licite, pour un employeur, de se séparer d’un travailleur sans motif particulier. Le sens commun aussi exigeait davantage, de jour en jour, une « explication » pour chaque licenciement. Aujourd’hui, l’opinion publique ne supporte plus trop les rentes de situation ni les décisions arbitraires. Ce n’est pas anormal… Je ne dispose évidemment, à ce stade, d’aucune étude statistique sur l’impact que cette CCT aura sur les licenciements abusifs. Antérieurement à l’entrée en vigueur de la CCT 109, il existait deux régimes en matière d’abus du droit de licencier : le régime des employés, calqué sur le droit commun (où un abus de droit supposait un exercice « méchant » du droit de licencier et faisait reposer la charge de la preuve sur le travailleur) ; et le régime des ouvriers où, en compensation de délais de préavis beaucoup plus courts (beaucoup trop courts, selon moi), la charge de la preuve du « non-abus » reposait sur l’employeur. Désormais, chaque travailleur (ex-« ouvriers » comme ex-« employés ») pourra se prévaloir (à certaines conditions) d’un licenciement « manifestement déraisonnable ». Mais, dès lors que l’employeur aura communiqué les raisons du licenciement, la charge de la preuve sera partagée… Du côté patronal, on estime que CCT alourdit encore une gestion du personnel déjà très complexe. Sans verser dans les slogans faciles, je constate que, de manière générale, les employeurs, si prompts à vouloir imposer des obligations aux demandeurs d’emploi, rechignent, pour ce qui les concerne, à toute contrainte. Permettez-moi un commentaire personnel : ce n’est pas raisonnable… Jean-Claude Daoust, Administrateur délégué, Daoust Interim Personnellement, je pense que cette nouvelle CCT n’était pas nécessaire. En Belgique, tant au niveau fédéral que régional, nous assistons ces dernières années à une addition de nouvelles règles. Gérer du personnel est devenu très lourd et très complexe. Bien souvent, quand une idée apparaît, on en fait une nouvelle loi sans se poser la question de la plus-value. Je plaide pour davantage de légèreté dans la législation qui entoure les ressources humaines. Cette complexité n’encourage pas à l’embauche. Toutes ces réglementations peuvent faire peur aux entreprises, en particulier aux PME dont les patrons sont déjà au four et au moulin. Dans le cas présent, cette CCT oblige les entreprises à prendre plus de précautions en cas de licenciement, comme sauvegarder des e-mails ou notifier des comportements inadéquats, des erreurs, des retards… Les entreprises doivent presque en venir à « monter des dossiers à charge » car, en cas d’enquête, elles doivent prouver qu’il existe suffisamment d’éléments probants pour justifier le licenciement. Cela éloigne le chef d’entreprise de sa mission première qui est de veiller à la rentabilité, à l’innovation et à la pérennité de son activité. Lorsqu’un licenciement se déroule de façon adéquate, c’est-à-dire avec suffisamment de transparence, on évite pas mal de sources de conflit. Chez Daoust, nous ne licencions jamais une personne sans l’avoir vue en entretien et lui avoir expliqué les raisons de cette décision. Et c’est l’attitude adoptée par la majorité des entreprises. Dans les faits, on constate d’ailleurs qu’il y a peu de demandes de justification du licenciement. Le licenciement fait partie de la vie de l’entreprise. De nos jours, plus personne n’imagine une société sclérosée qui travaillerait avec le même personnel durant 40 ans. De nouvelles technologies apparaissent, des métiers se créent… il est donc normal que les profils recherchés par les entreprises évoluent et qu’il y ait une certaine rotation au niveau du personnel. BECI - Bruxelles métropole - mai 2016 11 ©Thinkstock

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