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TOPIC INTERNATIONAL « Il faut de nouveaux outils d’exportation pour les services » L’exportation de services augmente beaucoup plus vite que celle des biens – surtout pour une ville comme Bruxelles, hautement tertiarisée. Mais leur nature est très différente : on ne gère pas un flux immatériel comme un flux matériel. Comment adapter les outils d’exportation à cette réalité ? Les réponses d’Olivier Willocx, administrateur délégué de BECI. Emmanuel Robert B ruxelles, avec ses institutions et ses entreprises internationales, offre un terreau fertile au développement de services – et de services propres à s’exporter : cabinets d’avocats, bureaux de consultance, de traduction, de communication, agences de relocation pour expatriés, etc. Mais pas seulement : Bruxelles abrite aussi des développeurs de logiciels, des bureaux d’architectes ou d’ingénieurs, des entreprises logistiques… Comme on le lira par ailleurs dans notre dossier, cette part du commerce international bruxellois est en plein boom. Cependant, la nature immatérielle des services pose des questions spécifiques, auxquelles les dispositifs commerciaux actuels ne répondent qu’imparfaitement. « Il y a principalement deux aspects problématiques », entame Olivier Willocx : « L’identification des flux et la question de confiance. Pour les biens matériels, les choses sont assez simples : c’est le passage en douane qui marque le transfert de propriété et qui ouvre le paiement de la transaction. J’exporte de la bière belge au Japon : mon client m’a versé un acompte ; j’expédie à Yokohama où la marchandise est dédouanée ; le client réceptionne et me paie. Pour les services, c’est plus complexe… Admettons que je sois éditeur informatique et qu’une entreprise nigériane télécharge mon logiciel : où est le transfert de propriété ? Est-ce qu’il y a des droits de douane ? Où faut-il payer la TVA ? C’est très compliqué, surtout pour les PME. » Le propre des flux immatériels, c’est leur caractère insaisissable. « Une partie des exportations de services échappe même au radar », remarque l’administrateur délégué de BECI. « Par exemple au sein d’une multinationale, quand un service rendu par le bureau de New York à ses clients américains est en réalité fourni par le bureau de Bruxelles – ou l’inverse. » Ajoutons-y la vitesse des échanges, et on comprendra que les opérateurs publics ont bien du mal à suivre… 26 BECI - Bruxelles métropole - novembre 2015 « L’autre aspect crucial des services, c’est le relationnel », reprend Olivier Willocx. « L’importation de biens, c’est tangible : j’achète une qualité, sur base d’échantillons, dans une quantité définie. C’est mesurable. Confier ses intérêts à un avocat, ou externaliser sa comptabilité en Inde, c’est autre chose… Il n’y a pas de contrepartie matérielle. Pour reprendre l’exemple du logiciel : est-ce que mon client nigérian sera prêt à payer un acompte pour un bien immatériel ? Est-ce que j’ai foi dans les tribunaux locaux pour régler un éventuel litige ? Dans les services, bien plus encore qu’en matière de biens, la relation de confiance est fondamentale. » Anticiper le mouvement « La plupart de nos techniques de vérification et de paiement des marchandises remontent au 18e siècle, voire avant. Au 21e siècle, nous devons créer de nouveaux outils pour faciliter la prestation de services et offrir aux deux parties les meilleures garanties. Pour cela, il faut réfléchir, comme le fait BECI, avec les acteurs concernés, notamment les bancassureurs. » Et sur le marché consommateur ? La tendance est sans doute encore plus marquée, avec « l’uberisation » de l’économie. « Qui est le vrai prestataire ? Qui vend quoi à qui ? », s’interroge Olivier Willocx. La distinction entre biens et services elle-même s’estompe : « Avec l’essor du commerce en ligne et des formules de leasing, les consommateurs font de moins en moins la différence. » « Il faut suivre le mouvement et même l’anticiper », conclut-il. « Ne pas le faire, c’est fragiliser notre économie. Aujourd’hui, l’entreprise n’a plus besoin d’opérer sur un territoire donné pour y faire du profit – ce qui repose des questions de fiscalité et de charges sur le travail. Si on veut rester performants en exportation de services, il faut se donner un cadre qui n’incite ni les entreprises à s’expartier, ni les consommateurs à délocaliser leurs achats. » ●

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