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THINK TANK POUR OU CONTRE Les mystery calls ? Des appels mystère aux entreprises pour dépister la discrimination : une fausse bonne idée ? L’initiative de Kris Peeters fait débat. Deux rencontres, deux points de vue. Gaëlle Hoogsteyn Patrick Charlier, Directeur Adjoint du Centre pour l’égalité des chances Nous sommes convaincus que les mystery calls sont un outil nécessaire. Leur but est d’apporter la démonstration qu’il y a discrimination – ou pas. Actuellement, cela concerne principalement l’emploi, mais cela pourrait par exemple être étendu au domaine du logement. Naturellement, ces appels mystères doivent être juridiquement encadrés. Le reproche qu’on leur fait, c’est qu’ils sont comme une forme de provocation à commettre un délit. Dans certaines situations controversées, il est arrivé que le mystery caller pousse lui-même à la discrimination, par exemple en se présentant comme un candidat musulman et en demandant d’emblée un horaire adapté pendant le ramadan. L’entreprise testée ne peut en aucun cas être poussée à la discrimination par ce type de question. Mais si l’on mettait en place un système offrant toutes les garanties d’objectivité, la question de leur bien-fondé ne se poserait plus. L’encadrement pourrait, par exemple, prévoir de ne recourir aux mystery calls que si des plaintes ont déjà été déposées. Cela ne pourrait pas se faire de façon systématique. Par la suite, des mystery calls pourraient servir à vérifier si des mesures anti-discrimination ont bien été prises par un employeur qui s’y est engagé. Il faut mettre en place une méthodologie. Autre avantage de ces mystery calls : ils peuvent être mis en place pour une entreprise ou pour un secteur. En France, par exemple, la chaîne de supermarchés Casino a volontairement mis en place des mystery calls dans le cadre de sa politique de diversité. Cette opération a permis de détecter certains problèmes qui ont pu être corrigés. Casino a ainsi réussi à sensibiliser les responsables des différents sites à travers tout le pays. Ce fut très positif pour leur image. Les mystery calls ne sont au final rien d’autre que des radars qui placés pour inciter les automobilistes à réduire leur vitesse et leur rappeler la loi. Bart Buysse, Directeur Général de la FEB La discrimination est inadmissible. Mais, selon nous, le recours aux mystery calls n’est pas une solution. Des mystery calls ont été réalisés dans le secteur des titres-services et de l’intérim. Nous trouvons cela particulièrement contre-productif car il s’agit de deux secteurs « tremplins » pour l’insertion. Surtout par téléphone, c’est particulièrement réducteur. Pour lutter contre la discrimination, il faut se concentrer sur les causes du problème, et pas sur les symptômes. Ici, on a juste pointé du doigt les entreprises qui n’étaient pas ouvertes à la diversité, sans apporter aucune solution. Premièrement, lorsque l’on rencontre des chercheurs d’emploi étrangers, on se rend souvent compte qu’il y un manque de formation, une méconnaissance des langues, des difficultés de mobilité… C’est d’abord à ce niveau que les pouvoirs publics devraient investir. Deuxièmement, recourir aux mystery calls est injuste. Il y a de la discrimination dans tous les domaines, pas seulement dans celui de l’emploi. Les mesures proposées ne visent que les employeurs privés mais, du côté des pouvoirs publics aussi, il y a de la discrimination. L’exemple ne devrait-il pas venir d’en haut ? Troisièmement, il faut sensibiliser. Il faut convaincre de la plus-value de la diversité et non l’imposer. Différents moyens existent : mener des campagnes pour sensibiliser les entreprises, créer des workshops pour les responsables des ressources humaines... Le plus grand défi est de changer l’image que certains ont des allochtones, mais changer les mentalités est un travail à long terme. Il faut miser sur la concertation avec les pouvoirs publics et politiques, les fédérations professionnelles, les partenaires sociaux, les entreprises, la presse… Aujourd’hui, on ne parle que de quotas, de sanctions et cela mène à une polarisation. Nous souhaitons que les mesures lancées soient positives et non coercitives. Nous sommes convaincus que ce que les entreprises cherchent chez leurs employés, ce sont les compétences, le talent. Or, celui-ci est universel ! 6 BECI - Bruxelles métropole - juin 2015 Donnez-nous votre avis

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