ENTREPRENDRE Transmission : affaire de famille Les conditions d’une transmission familiale réussie ? Beaucoup de réflexion, de dialogue et de respect. Telle est l’expérience d’Henry Everard, aux commandes de GMP Bibliofilm – une PME bruxelloise à l’identité familiale, dont il est aujourd’hui le dépositaire. Emmanuel Robert «Q uand mon père a décidé de prendre sa retraite, en 2004, il a voulu transmettre la direction de sa société avec un grand souci d’équité entre ses deux fils », se souvient Henry Everard. « C’est ainsi que mon frère et moi sommes devenus ‘co-administrateurs-délégués’. Mais, comme sur un bateau, on ne peut pas facilement naviguer avec deux co-capitaines… Il faut donner un seul cap. » Flash-back : en 1986, Florent Everard, le père d’Henry, entrepreneur dans l’âme, décide de quitter Xerox pour racheter une petite société, Bibliofilm, jusqu’alors spécialisée dans les systèmes d’archivage sur microfilm. Florent Everard la réoriente vers la distribution de fax et copieurs, en plein essor. Quelques années plus tard, il y ajoute encore des systèmes de reliure et plastification, en obtenant notamment la distribution de la marque coréenne GMP et de l’américaine Powis Parker. Aujourd’hui, GMP Bibliofilm, qui occupe une quinzaine de personnes à Evere, reste spécialisée dans la distribution des machines de finition auprès des bureaux et des entreprises graphiques. Elle fournit aussi des solutions pour la personnalisation de cartes plastiques – notamment utilisées par la STIB et la SNCB pour les cartes Mobib. Faire la part de l’affectif « Travailler en famille est un bel idéal, mais ce n’est pas toujours facile à vivre », confie Henry Everard. « Il y a une part de relation affective, une dimension émotionnelle qui se mêle au travail et qui peut interférer avec les exigences d’une bonne gestion. » Réussir une transmission familiale nécessite d’abord, à ses yeux, beaucoup de réflexion et de dialogue : « Il faut que chaque membre de la famille actif dans l’entreprise s’interroge sur ses motivations et ses ambitions. C’est ce que nous avons fait, mon frère et moi. Il est arrivé à la conclusion qu’il préférait choisir une autre voie, ce qu’il a fait, tandis que moi je souhaitais prendre le leadership. Dans le même temps, en 2011, on a réorganisé l’actionnariat en nous faisant aider par notre conseiller fiduciaire et par une société spécialisée dans la transmission. Notre père était resté actionnaire majoritaire ; mon frère et moi ne disposions que de parts minoritaires. Tous deux m’ont vendu leurs parts ainsi que l’immobilier, ce qui m’a donné les moyens de mettre en œuvre ma propre vision stratégique. On a évité les risques de fragmentation du capital et de blocage, qui guettent souvent l’actionnariat familial. » S’il reste un regret à Henry Everard, c’est d’avoir sousestimé la communication avec les proches non actifs dans Henry Everard la société, « pour qui l’entreprise familiale représente aussi quelque chose de fort. » « Il faut anticiper, surtout dans le chef du cédant et du repreneur : prendre le temps de bien communiquer, d’échanger sur les décisions et leurs motivations sous-jacentes, prises dans un esprit d’équité, de pérennité de l’entreprise, mais aussi de la bonne entente familiale. Dans le même ordre d’idées, il faut également rassurer les collaborateurs que la transmission peut inquiéter. C’est important de préserver l’équipe. » Ouvert à tous les scénarios Qu’est-ce qui a changé pour Henry Everard, devenu actionnaire principal ? « Les décisions sont plus rapides et plus fluides. J’ai pu concrétiser rapidement certaines ambitions, dont celle d’ouvrir un bureau à Paris, où travaillent aujourd’hui deux personnes. » Pour garantir une transmission « en douceur », l’attitude de la génération précédente est également déterminante : « Céder la responsabilité demande un certain cran. Mon père reste toujours impliqué ; il s’enquiert régulièrement de l’entreprise et il y reste forcément très attaché. » Quant à Henry Everard, imagine-t-il déjà sa propre succession ? « J’ai trois filles, dont la plus grande n’a que 13 ans, et je ne les vois pas forcément reprendre le flambeau un jour. Pour moi, tous les scénarios sont envisageables le moment venu : rachat par un confrère, mais peut-être aussi par des collaborateurs motivés. Leur transmettre l’entreprise serait pour moi une forme d’aboutissement. » ● BECI - Bruxelles Métropole - février 2015 31 R.A. R.A.
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