TOPIC confirme que la bourse est devenue beaucoup plus volatile et sensible aux lubies du jour, mais il nuance : « Nous remarquons auprès d’un de nos clients comment les rumeurs peuvent influencer le cours en bourse, mais la correction intervient d’habitude très vite. Les nouvelles sont devenues plus fugaces, et donc plus éphémères. Leur influence peut être On assiste à une sorte d’incubateur en ligne qui s’efforce d’affiner constamment les fausses nouvelles pour en maximiser l’impact sur certains groupes de la population. Johan Bollen (Indiana University) rapide, mais leur disparition tout autant, de sorte que les cours se rétablissent très vite. » Préjugés Johan Bollen sait d’expérience combien une réputation peut être rapidement mise à mal. « Il y a quatre ans, un blogueur de droite a parcouru un résumé d’une de nos études et en a retiré une ligne privée de son contexte. Il affirma que l’ancien président Obama nous avait payé pour espionner des citoyens américains. D’autres blogs ont repris l’info, qui a terminé à Fox News et provoqué un débat au parlement. Tout cela au départ d’assertions complètement fausses. Quand on sait comment fonctionnent de tels blogs, il est très facile d’en abuser pour lancer une campagne de dénigrement. » De quelle façon réagir à une attaque fondée sur des demi-vérités ou des infos manipulées ? Le scientifique n’a pas de réponse claire. Comme le dit le dicton : « Pendant que la vérité se chausse, le mensonge fait dix fois le tour de la terre » : « Les réseaux sociaux permettent aux bribes d’information de circuler très vite. Les contre-vérités attrayantes ou qui correspondent à certains préjugés, sont copiées sans vergogne. L’indépendance de la pensée se dissout presque complètement dans l’environnement des réseaux sociaux, où l’opinion des autres vous influence en continu. Ce mécanisme peut être exploité pour porter un préjudice intentionnel à une personne ou une organisation. Comment répondre ? Pas par les mêmes moyens, parce qu’il est presque impossible de comprendre pourquoi une information devient virale. La victime devrait lancer une réponse d’une puissance virale équivalente... Pas facile. Surtout lorsque la fausse nouvelle vient confirmer des convictions préexistantes. » Johan Bollen fait référence au livre « Trust Me, I’m Lying: Confessions of a Media Manipulator », de Ryan Holiday. De 28 BECI - Bruxelles métropole - décembre 2017 grandes entreprises avaient payé l’auteur pour exploiter les réseaux sociaux à des fins de concurrence. Il a donc diffusé régulièrement des ragots sur les concurrents, du style « Le CEO est sexiste ». « Holiday recommande de réagir vite, de manière précise et en jouant cartes sur table, mais il reconnaît que dans certains cas, cela n’a pas suffi », explique M. Bollen. « On est souvent dépassé par les événements. En ligne, la machine à rumeurs se comporte presque comme une foule en panique. Le processus enclenché, quasi plus rien ne l’arrête. » Un complément d’oxygène L’avis de Jeroen Wils, conseiller en communication : « Nous avons tendance à réagir moins rapidement qu’auparavant, parce que nous savons qu’une tempête s’estompe parfois aussi vite qu’elle éclate. Réagir à une rumeur peut en augmenter la visibilité. Dans ce cas, il vaut mieux l’ignorer. Sélectionnez ce à quoi vous allez réagir, parce que la fugacité des fake news ne permet plus de répondre à chaque rumeur. Mais s’il s’agit d’informations conséquentes, fondamentalement erronées, qui persistent pendant plus d’une heure sur les réseaux sociaux jusqu’à être reprises par les médias classiques, alors votre entreprise se doit de réagir auprès de ses actionnaires, partenaires et clients. » « Si une rumeur apparaît sur les réseaux sociaux et s’y maintient, là encore, réagissez. Au cas où le phénomène prendrait de l’ampleur, déployez l’artillerie lourde, non seulement sur les réseaux sociaux, mais aussi via un communiqué de presse officiel, voire une conférence de presse. Mais à chaque fois, évaluez l’opportunité de la démarche. Il suffit parfois de contacter le journaliste qui a diffusé une information en ligne pour lui donner une version correcte des faits et lui demander de rectifier l’information diffusée. Le journaliste admet habituellement son erreur. Il est parfois préférable de régler le problème en coulisse, dans la mesure où une réaction publique risque en réalité de constituer un complément d’oxygène à la rumeur négative. » Une équipe de monitoring Les deux experts s’accordent à préconiser une surveillance des réseaux sociaux. « Les grandes entreprises disposent d’une équipe qui surveille constamment Facebook et Twitter pour y détecter d’éventuelles rumeurs sur l’entreprise », explique Jeroen Wils. « Une réaction rapide a pour effet d’étouffer l’incendie. Si vous laissez faire, les médias classiques vont prendre le relais et les dommages risquent de s’aggraver. C’est d’ailleurs une des règles de la communication de crise : utiliser les médias sociaux en première ligne pour capter ce qui se raconte sur votre entreprise. C’est particulièrement vrai dans le domaine des biens de consommation et a fortiori l’alimentation. Si les consommateurs se plaignent de vos produits, réagissez sans tarder. Dès l’instant où les tweets reçoivent des réponses, les médias classiques le remarquent. » Johan Bollen confirme que la vigilance est une bonne façon de se préparer à une attaque. « Soyez aux aguets. Vous avez en fait besoin de collaborateurs avec un savoir-faire spécifique : des gens capables de sentir ce qui vit au sein de la communauté en ligne et de réagir de manière appropriée. Ils valent de l’or. ». ● D.R.
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