THINK TANK POUR OU CONTRE Le Pacte d’Excellence L’idée d’une réforme ambitieuse de l’enseignement francophone rassemble et sa nécessité est consentie par tous. Mais le « Pacte d’Excellence » appelle des changements majeurs, notamment dans l’enseignement qualifiant. Les voies choisies restent à préciser et leur mise en pratique soulève certaines appréhensions. Ophélie Delarouzée Olivier Remels, secrétaire général de la Fondation pour l’Enseignement1 Ce Pacte est celui des acteurs de terrain et cette démarche bottom-up est historique. Il y a consensus sur les constats et les grandes ambitions qui l’animent : le chômage des moins de 25 ans avoisine encore les 27 % en Fédération Wallonie-Bruxelles ; les jeunes qui ne sont ni dans un parcours éducatif ni de formation (les « neets », ndlr) sont plus de 13 % pour 5 % d’emplois non qualifiés ; l’étude PISA 2015 classe la Belgique francophone 26e sur 38 en mathématiques, 28e en sciences et 8e en lecture, et les meilleurs résultats tendent à baisser. Il y a une forte corrélation entre le décrochage scolaire et l’indice socio-économique des élèves. Pour la première fois, les acteurs s’accordent pour traiter les problèmes de manière globale et systémique. On vise par exemple à développer les pratiques collaboratives entre enseignants, qu’on sait vecteurs de réussite. Les écoles seront mieux accompagnées grâce à la réforme de la gouvernance et le pilotage par objectifs. Des moyens importants seront dégagés pour limiter le redoublement, qui coûte cher d’ailleurs. Le pacte devrait nécessiter 220 millions en vitesse de croisière, mais l’essentiel sera trouvé dans des marges à l’intérieur du système, en faisant mieux qu’aujourd’hui. Le tronc commun sera bien davantage pluridisciplinaire. On va notamment ajouter aux domaines d’apprentissage de base l’éveil polytechnique aux métiers, à l’art, au numérique, et même l’esprit d’entreprendre. Par une orientation positive construite au sein du parcours de l’élève, on va sortir de cette logique de relégation du général vers le qualifiant. Le Pacte veut aussi simplifier le paysage, éviter d’avoir plusieurs parcours pour un même métier. De plus, des options surpeuplées mènent peu à l’emploi et d’autres sont désertées alors qu’elles offrent des débouchés. L’offre d’options tiendra mieux compte du contexte socio-économique local pour favoriser l’accès à l’emploi. L’enseignement qualifiant collaborera plus largement avec les acteurs sectoriels. Joseph Thonon, président communautaire de la CGSP-Enseignement Le Pacte n’est jamais qu’une somme de bonnes intentions. Les gouvernements successifs devront le mettre en œuvre et le diable est dans le détail. La concrétisation politique appelle une vigilance syndicale constante, aussi bien pour la qualité du système éducatif que pour les enseignants. Pour le projet de pilotage des écoles, on ne veut pas de sanctions individuelles sur un contrat d’objectifs collectif. Le contrôle et les sanctions des enseignants doivent être séparés du système de pilotage, sinon cela devient du management d’entreprise privée. La mixité devrait être renforcée avec la remédiation et avec la prolongation du tronc commun. Mais, pour qu’on n’ait pas des contenus et des niveaux complètement différents, il faudrait un référentiel beaucoup plus strict. S’il est un peu vague, les quatre réseaux continueront à avoir des programmes et des applications différents. Revaloriser l’enseignement technique et en faire un vrai choix doit aussi participer à la mixité. Ici, la première crainte tient au fait que la formation qualifiante va être réduite de quatre à trois ans. L’enseignement professionnel et l’enseignement de qualification, qui comprend plus de cours généraux et techniques, vont être ramassés en une seule filière et cela pose de nombreuses questions. Les entreprises se disent incapables de fournir les stages actuels et il est attendu qu’elles s’impliquent plus dans la formation. Quant à la certification prévue par unités, elle est encore expérimentale et cause des problèmes : lassitude de répéter une même action avant de passer à la suivante, lourdeur administrative... Si l’évaluation n’est pas positive, le pacte prévoit de penser un autre système unique. Nous avons certes reçu des garanties pour l’emploi. Les normes de fermeture des écoles de petite taille qui n’avaient que du qualifiant vont être abaissées. Les départs en pension pourraient permettre le non-remplacement d’enseignants, mais une requalification sera nécessaire afin que certains puissent glisser d’un poste à l’autre. 1. La Fondation pour l’Enseignement a présidé le groupe de travail pour nourrir la réforme de l’enseignement technique et professionnel. 8 BECI - Bruxelles métropole - avril 2017 © Thinkstock
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