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FOCUS ENSEIGNEMENT ET FORMATION Teach for Belgium : petit pas pour l’homme, grand bond pour l’équité ! Lorsqu’il découvre l’inégalité extrême entre les élèves issus des différents types d’enseignement en Belgique, Pierre Pirard y voit un défi à relever. N’est-ce pas là l’occasion de mettre son expérience de manager au profit de la société pour défendre un idéal d’enseignement plus humain ? Rencontre avec l’un des pères fondateurs de Teach for Belgium. Gaëlle Hoogsteyn «C ’est vers la quarantaine, quand je me suis rendu compte qu’il me restait moins d’années professionnelles à vivre que celles déjà vécues, que j’ai eu envie de faire autre chose de ma vie, quelque chose d’à la fois plus humain et plus utile pour la société », commence Pierre Pirard. « Après une longue carrière auprès de différentes multinationales, 20 ans d’objectifs chiffrés et de va-et-vient à travers l’Europe, j’ai ressenti le besoin de partager ma connaissance. J’avais déjà eu des expériences avec des groupes de jeunes et c’est donc tout naturellement que je me suis dirigé vers le secteur de l’enseignement », nous raconte-t-il. Ne disposant pas encore, à l’époque, de l’agrégation, c’est par hasard qu’il parvient à entrer comme enseignant dans une école professionnelle à Molenbeek. C’est là qu’il prend conscience de l’iniquité régnant entre les écoles et que germe l’idée de créer l’asbl Teach for Belgium. « Dans les écoles classiques, 75 % des élèves sont réorientés vers l’enseignement général, contre 30 % d’élèves seulement dans l’enseignement à discrimination positive », déclare-t-il à titre d’exemple. Teach for Belgium : vers un idéal équitable La vision de l’asbl est de permettre la réussite de chaque élève, quelle que soit son origine socio-économique. Teach For Belgium se focalise sur l’amélioration des compétences des enseignants. En effet, « TFB forme de futurs enseignants en leur permettant d’acquérir des outils spécifiques à enseigner dans les écoles en encadrement différencié », explique notre prof-entrepreneur. En septembre 2015, Teach for Belgium comptait déjà 56 enseignants exerçant dans le cadre de cette mission. Ceux-ci sont recrutés en général sur les campus ou via candidatures spontanées. Lorsque les candidats sont sélectionnés, ils sont évalués sur leurs compétences et leur motivation. Une fois qu’ils sont placés, ils sont suivis pendant deux ans par des tuteurs. L’an passé, l’asbl a reçu plus de 600 candidatures, ce qui montre le succès remporté par l’initiative. Elle revendique éga36 BECI - Bruxelles métropole - octobre 2015 lement une certaine rapidité d’action propre au secteur privé face à la lenteur administrative du secteur public. Et la nécessité d’urgence, elle, est bien présente. L’agrégation non plus n’a aucune crainte à avoir, car l’asbl n’est pas là pour la concurrencer mais bien pour la compléter ; elle encourage d’ailleurs tous ses membres à la passer dans un souci de professionnalisme. Pierre Pirard Et pour demain ? L’ambition de l’asbl est double : tout d’abord, elle espère que le succès de Teach for Belgium inspirera les pouvoirs publics afin d’intégrer ce genre d’approche dans les standards de formation actuels. Ensuite, elle veut approcher la Flandre en y plaçant ses premiers enseignants à partir de septembre 2016. Teach for Belgium représente finalement une pierre de plus à l’édifice d’un enseignement plus équitable et une liberté de choix pour tous les élèves, acteurs de la société de demain. ● L’iniquité en chiffre D’après les résultats des études PISA, l’iniquité scolaire en Belgique est vraiment inquiétante : • 83 % des enfants des milieux plus aisés sont encore dans l’enseignement général à 15 ans contre 11 % seulement dans les milieux défavorisés. Les enfants de milieux « très pauvres » se trouvent pour ainsi dire exclusivement dans les filières de qualification. • À Bruxelles, on décèle également une différence de 3 années de niveau pédagogique entre les écoles générales et professionnelles. Ce qui veut dire que, par rapport à son camarade issu d’un milieu aisé, l’enfant défavorisé présentera un retard pédagogique affolant de 3 ans. • Parmi les enfants les plus « pauvres », 70 % ne sont pas capables de lire et de comprendre un texte de niveau modéré contre 25 % dans les milieux plus aisés. Et ceci se vérifie également sur le terrain. R.A.

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